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Résumé

Un groupe informel d'experts issus des mondes académique, professionnel ou associatif a analysé ces deux dernières années les aspects historiques, juridiques et politiques liés à la présence sur le sol belge de collections coloniales. Leur étude a conduit aux observations et suggestions suivantes.

Politique fédérale

Les membres du groupe recommandent de mettre en œuvre une politique fédérale qui facilite l'étude critique du passé colonial. Ils/elles espèrent que leurs réflexions pourront servir d’appui au développement d'une telle politique, constituant ainsi une étape importante dans la lignée des initiatives déjà prises à différents niveaux de gouvernement.

Le groupe appuie la décision du gouvernement fédéral du 17 juillet 2020 de créer une Commission parlementaire spéciale pour enquêter sur le passé colonial belge. Selon le DOC 55 1462/001, cette commission doit analyser le rôle joué par "l'État et les autorités belges mais également par les acteurs non gouvernementaux (tels que la monarchie, l'Église, les responsables économiques dans les colonies...)" ainsi que mesurer l'impact de ces structures sur les peuples et les sociétés de la République démocratique du Congo, du Rwanda et du Burundi pendant l'ère coloniale (1885- 1962).

Aperçu des collections coloniales

Il est urgent de dresser un panorama complet de toutes les collections coloniales en Belgique, tant celles conservées dans les institutions publiques que celles dans les mains des collectionneurs privés.

Ces collections trouvent pour la plupart leur origine dans les colonies belges, mais elles ne s’y limitent pas. Le terme "collectionner" est au demeurant loin d'être neutre. En effet, nombre d'objets ont été enlevés, parfois avec violence, dans leur pays d'origine et dans des contextes structurels dominés par l'inégalité.

Recherche de provenance

Les membres de ce groupe plaident pour : (1) une recherche approfondie de la provenance des collections dans les institutions culturelles ; (2) un financement pour ce type de recherche ; et, (3) une recherche basée sur une plus grande coopération avec les communautés et les pays d'origine (ce compris avec les communautés des diasporas).

Afin d’offrir un aperçu des collections issues du contexte colonial en Belgique, un nouveau type de recherche de provenance s'avère nécessaire. A l'heure actuelle ces recherches de provenance se limitent souvent aux questions de la circulation des objets dans l'hémisphère nord, de leurs anciens propriétaires et de l'historique des publications et expositions de ces objets. Le groupe recommande d'élargir ce type de recherche sur le contexte d'origine des collections aux circonstances qui ont conduit ces objets à quitter les communautés qui les ont produits et utilisés.

C'est pourquoi les membres de ce groupe recommandent que soit créé un institut indépendant de recherche de provenance afin de compléter les informations déjà récoltées et ce en étroite collaboration avec les institutions détentrices des collections et les pays et les communautés d'origine. Cet institut facilitera par ailleurs les éventuelles demandes de restitution.

Demandes de restitution

Malgré l'importance de la recherche de provenance, le groupe reconnaît les limites quant aux questions que pose l'histoire des collections coloniales et la difficulté d'y répondre. Il recommande donc d'aller au-delà de ce type de recherche par une approche plurielle de la restitution. D'autres voies devraient ainsi permettre d'apporter aux demandes de restitution des réponses fondées davantage sur l'éthique.

Les musées et les détenteurs de collections pourront faciliter les demandes de restitution grâce à une communication proactive et ouverte à propos des collections issues du contexte colonial. Chaque demande devra être traitée avec un même niveau de sensibilité et de soin. Les demandeurs peuvent être des États, mais également des groupes régionaux ou culturels officiellement soutenus, voire des descendants individuels ou culturels des créateurs ou des propriétaires des objets revendiqués. Les auteurs de ce rapport précisent également que les musées et autres institutions patrimoniales ne peuvent pas établir les critères justifiant une demande de restitution ni déterminer ce que les communautés d'origine devraient valoriser. Dans le processus de restitution il est essentiel que le dialogue et la coopération se fassent dans un rapport d’égal à égal.

Nécessité d'un nouveau cadre juridique

Il n'existe à ce jour pas d’obstacle juridique absolu et ce, malgré les impressions véhiculées, à un retour des collections coloniales relevant du domaine public. Dans la pratique, cela reste toutefois difficile.

En effet, les législations et les règles internationales, européennes et nationales relatives à la protection du patrimoine culturel de manière générale, et en temps de guerre, n'ont pas d'effet rétroactif et ne peuvent donc être invoquées en cas de revendications de collections acquises de manière douteuse. Nous pensons donc qu'une nouvelle législation est nécessaire pour faciliter les pratiques de restitution.

C'est pourquoi les membres de ce groupe soutiennent le projet de loi préparé par les juristes Marie-Sophie de Clippele et Bert Demarsin : « Loi relative au retour dans leur pays d’origine de biens culturels acquis dans un contexte issu du colonialisme et qui se trouvent dans les collections publiques sur le territoire belge ».

Pratiques d'exposition et gestion des collections

Les membres de ce groupe estiment qu'en Belgique les collections coloniales doivent faire l'objet de nouvelles formes d'exposition plus inclusives. Par ailleurs, l'éthique et la transparence doivent faire partie intégrante de la gestion de ces collections. Cela inclut 1) la réalisation de nouvelles notices explicatives sur la base d'une recherche de provenance approfondie, 2) des présentations inclusives et critiques ainsi qu'une posture autoréflexive sur l’histoire du colonialisme et du racisme.

L’égalité – entre les parties prenant part aux négociations entourant les demandes de restitution – peut être renforcée par la collaboration et des pratiques de conservation partagées avec les communautés et les pays d'origine. Toutefois, ces pratiques doivent être exécutées en accordant une attention particulière au déséquilibre structurel dans les rapports de forces.

L'exposition au public des restes humains est à juste titre considérée comme un sujet délicat d'un point de vue éthique. L'accent doit être mis sur leur origine et leur rapatriement.

Restitution, réconciliation et réparation

Les contextes coloniaux étaient marqués par la domination et l'exploitation d'un groupe sur un autre. Les individus et les collectivités locales étaient considérés comme des quantités négligeables par la partie dominante lorsqu'il s'agissait d'échanges de biens. Les collections coloniales ont été constituées dans ce contexte de profonde inégalité structurelle et doivent par conséquence faire l'objet d'un examen critique. Cette injustice ne peut être réparée par de seuls actes de restitution, puisqu’ils n'atténuent pas les dommages culturels et sociétaux encourus par les populations d'origine. La restitution doit être intégrée dans un processus de réconciliation et de réparation au sens large.

1. Introduction

L'objectif de ce rapport est de concilier les préoccupations juridiques, pratiques et éthiques des discussions en cours sur la décolonisation du secteur culturel et les débats autour de la restitution de biens culturels. L'ambition est de formuler un ensemble de recommandations pouvant être utilisées et adaptées par les pouvoirs politiques et les gouvernements. Son objectif est également de fournir au secteur des musées et du patrimoine, ainsi qu'aux autres propriétaires de collections, un aperçu concis du cadre juridique entourant la restitution et un ensemble de directives concrètes pour la gestion et l'exposition de collections patrimoniales sensibles. Nous considérons ce document comme une étape utile dans un processus sociétal et culturel de prise en compte du passé colonial de la Belgique - et de l'Europe en général. Il s'inscrit toutefois dans un débat plus long et plus large, et nous espérons qu'il donnera lieu à des échanges riches et fructueux.

Le point de départ de l'équipe qui a travaillé sur ces recommandations est de faire des suggestions pratiques pour gérer de manière inclusive et sensible les collections coloniales, en proposant notamment des voies juridiques et éthiques pratiques pour rendre possible une véritable restitution (physique). Nous comprenons le terme restitution comme étant un retour d'un patrimoine contesté sous forme d'objets et de collections. Dans notre perception, la restitution englobe le processus d'acceptation des dommages causés par la soustraction initiale de ces objets, qui a conduit les

    communautés d'origine
à être coupées de leur propre patrimoine culturel et de n'avoir pu en bénéficier.

Ce rapport est basé sur l'expérience et les connaissances professionnelles et universitaires combinées des participants de notre équipe. Nous avons pris en compte la littérature pertinente et les directives existantes mentionnées ci-après, et avons mené des entretiens avec des professionnels des musées, des spécialistes du patrimoine et d'autres acteurs de cette problématique.

Ce groupe ne cherche pas à revendiquer ou à dominer le débat sur la restitution, mais estime qu'il est important de montrer que de nombreux acteurs du secteur du patrimoine et des musées en Belgique considèrent que le débat est valable et qu'il est urgent d'adopter une nouvelle approche pour la gestion des collections coloniales. Par conséquent, nous souhaitons apporter une contribution à un débat plus large, et espérons continuer à travailler à une politique de restitution en dialogue et en collaboration avec d'autres. Nous croyons fermement en la nécessité d'un débat plus large en impliquant la société de manière générale, et en particulier les diasporas et les autres communautés et pays d'origine. Des solutions équitables, honnêtes et réelles dans ce débat ne peuvent être atteintes sans un tel processus.

Bien que ce document soit axé sur la gestion et la restitution des collections coloniales, il ne constitue qu'un élément d'une nécessité plus large de décolonisation des institutions culturelles et universitaires belges. Il s'inscrit dans un ensemble plus large de problèmes qui affectent nombre de ces institutions en Belgique, dont un manque de diversité et d'inclusion, qui se reflète également dans la composition de notre groupe. Une véritable décolonisation du paysage muséal et patrimonial - qui comprend plusieurs institutions coloniales - devra aller au-delà de la restitution et nécessitera une introspection et une ouverture au changement.

L'initiative de ces recommandations fait suite à la reprise des débats publics sur la restitution des collections coloniales et à plusieurs initiatives dans les pays voisins qui établissent des cadres en réponse à ces discussions. La plus connue est le rapport français "Restituer le Patrimoine africain : vers une nouvelle éthique relationnelle" réalisé par Felwine Sarr et Bénédicte Savoy en 2018 à la demande du président français Emmanuel Macron. L'Association allemande des musées (Deutscher Museumsbund) a produit un ensemble de directives pratiques comprenant un aperçu détaillé des contextes coloniaux historiques dans le document "Guide à l’usage des musées allemands: Le traitement des biens de collections issus de contextes coloniaux" qui a été publié pour la première fois en 2018 et a été révisé en réponse aux commentaires du public en 2019, puis en 2021. Alors que le document allemand est destiné à toutes les collections coloniales en Allemagne, le document néerlandais "Return of Cultural Objects : Principles and Process" a été proposé spécifiquement pour le Nationaal Museum van Wereldculturen (NMVW) en 2019 et n'est applicable qu'aux collections du NMVW. En 2020, le Conseil néerlandais de la culture a publié à la demande du ministre de la Culture un rapport consultatif "Koloniale collecties en erkenning van onrecht : advies over de omgang met koloniale collecties van Adviescommissie Nationaal Beleidskader Koloniale Collecties, Raad voor Cultuur". Début 2021, le gouvernement néerlandais a adopté la plupart des suggestions du rapport. Au Royaume-Uni, l'AFFORD (African Foundation for Development), une initiative de la diaspora basée au Royaume-Uni, a publié en juin 2020 "Return of the Icons. Key issues and recommendations around the restitution of stolen African artifacts". Ce document contient une articulation des questions clés et des arguments éthiques, ainsi que des voies suggérées pour la restitution des objets. En Belgique, l'organisation Bamko- Cran tient un inventaire sur le sujet des "Musées coloniaux et "restitution" des trésors africains". Les participants de notre groupe ont été frappés par la lenteur de la réaction et de l'engagement des milieux politiques, professionnels et académiques belges dans les débats actuels, et se sont donc engagés dans la production de ce rapport. Nous le faisons à titre individuel ou en tant que représentants des institutions pour lesquelles nous sommes employés. Le besoin urgent de ces recommandations a été souligné pour la première fois dans une lettre ouverte, publiée dans Le Soir et De Standaard le 17/10/2018.

Postulats

Les actes coloniaux à l'origine de la translocalisation d'objets ne peuvent pas être simplement annulés par des actes de restitution, car ceux-ci n'atténuent pas l'impact des dommages culturels et sociétaux causés par la disparition de certains de ces objets. Pourtant, cela peut être un point de départ pour la création de ce que F. Sarr et B. Savoy ont appelé "une nouvelle éthique relationnelle". Nous devons toutefois être conscients du fait que diverses formes de collaboration et de réparation sont nécessaires pour atteindre ce dernier objectif.

Au cours de l'histoire, le colonialisme (voir 1.1 pour une description détaillée) a pris des formes différentes et a été sujet à des changements. Malgré certaines dissemblances, tous les contextes coloniaux ont été fondamentalement marqués par la domination d'une partie sur l'autre. Cela réduisait considérablement ou annulait l'action individuelle et collective au sein de la partie dominée aux moments où les objets changeaient de mains. Toutes les collections de l'ère coloniale ont été rassemblées dans des contextes de profonde inégalité structurelle tels qu'ils doivent être examinés de manière critique.

Principes

La transparence, tant au niveau des processus que de l'accessibilité des informations, est cruciale.

Les acteurs concernés par ces questions vont au-delà des États et comprennent les diverses communautés d'origine ainsi que des individus.

L'égalité est le point de départ d'une collaboration et de relations renouvelées entre les institutions du patrimoine, ainsi qu'entre celles-ci et les communautés et les pays d'origine.

Nous plaidons pour :

Une double approche qui soit à la fois proactive (prise de contact avec les institutions et les détenteurs de collections belges) et réactive (réceptive aux demandes initiées à l'étranger).

Une approche par étapes dans laquelle la priorité est mise sur les objets et les collections dont la provenance problématique est suspectée ou connue, ainsi que sur les restes humains.

Une approche à plusieurs volets dans laquelle nous reconnaissons la valeur de la recherche de provenance pour découvrir l'origine des collections (voir la section sur la recherche de provenance), tout en soulignant ses limites. Par conséquent, nous reconnaissons également le besoin de voies alternatives à la restitution, au retour et à l'échange.

Dans ce qui suit, nous allons d'abord fournir quelques informations sur ce que sont les collections coloniales, ainsi que sur l'histoire et les origines des collections coloniales en Belgique. Puis nous abordons les cadres juridiques et réglementaires nationaux et internationaux existants et plaidons pour une nouvelle approche. Nous explorons ensuite le processus de restitution d'un point de vue pratique, en examinant "qui", "comment" et "quoi" sont impliqués dans des pratiques de restitution équitables. Nous accordons une attention particulière à l'accessibilité des inventaires et aux possibilités et limites de la recherche de provenance. Enfin, nous nous penchons sur la gestion et l'exposition éthiques du patrimoine colonial et d'autres patrimoines sensibles. Cette partie centrale se termine par une conclusion générale qui énonce les principes directeurs de la restitution des collections coloniales.

1.1 En quoi consiste une collection "coloniale" ?

Ce rapport s'intéresse aux collections issues de l'expansion mondiale de l'Europe, et ne concerne donc pas les collections issues des histoires de conquête au sein de l'Europe. Bien que cette expansion ait commencé au 15e siècle, nous nous concentrerons principalement (mais pas exclusivement) sur l'impérialisme européen des 19e et 20e siècles. Cette phase a vu l'essor des musées ethnographiques dans l'hémisphère nord, dont les collections non-européennes sont souvent au centre des débats actuels. Mais les collections coloniales se retrouvent également dans les musées d'histoire naturelle, des musées des beaux-arts, les musées de l'armée, les musées d'histoire, dans les collections universitaires ou encore les collections de recherche des hôpitaux, pour n'en citer que quelques lieux. Certains sont aujourd'hui en mains publiques, d'autres, comme les collections des missionnaires, sont en mains privées ; et seules certaines de ces collections sont accessibles au public.

Dans notre travail nous nous concentrons principalement sur les collections et les objets dont la présence est le résultat de relations coloniales directes : celles entre la Belgique et l'Afrique centrale et celles entre d'autres puissances européennes et leur empire. Nous incluons également les collections qui proviennent d'autres contextes coloniaux façonnés par l'ordre colonial global de l'impérialisme européen, qui s'étend au-delà de la colonisation officielle, mais qui sont tout autant marqués par les idéologies coloniales et l'inégalité structurelle. Il s'agit notamment des périodes de conquête qui précèdent les empires officiels (comme l'Afrique centrale d'avant 1885) et des histoires d'acquisition qui sont le résultat d'un colonialisme de peuplement. Par exemple, bien que les États-Unis d'Amérique n'aient pas été une colonie au cours du XXe siècle, la collecte d'objets indigènes s'est déroulée dans un contexte d'avancée de colons européens en territoires amérindiens. Il existe également des situations postcoloniales qui reflètent

    l'extra activisme
et l'inégalité du colonialisme actif. Les objets acquis ou retirés dans de tels contextes entrent également dans le cadre de ce document. Dans de nombreux cas, l'indépendance politique n'a pas automatiquement mis fin aux structures du colonialisme économique et culturel.

Les collections coloniales peuvent inclure des objets culturels et archéologiques, des restes humains, des spécimens botaniques ou zoologiques, des minéraux, ou encore des archives. Certaines de ces catégories comportent des implications juridiques particulières liées à leur contexte de déplacement, à l'intentionnalité de leur collecte et à leur relation avec les populations locales.

Dans le cas des collections culturelles, le terme "objet" doit être considéré dans son sens le plus large, car les cartes, le matériel de propagande, les photographies et les documents ont également servi d'outils au colonialisme, enregistrant les structures inégales, renforçant l'oppression et réduisant les voix au silence. Ces collections peuvent donc inclure des objets de fabrication européenne qui projettent les discours de la domination coloniale et les idéologies racistes qui la soutenaient.

Si la plupart des discussions actuelles sur la restitution portent sur les objets de musée, la restitution des archives coloniales et de la documentation liée aux objets et aux activités des colons fait également l'objet d'un débat croissant. Les archives coloniales sont détenues publiquement (dans le cas des archives gouvernementales, par exemple) ainsi que de manière privée. Les archives d'État et gouvernementales, tant nationales que locales, sont considérées comme des institutions clés pour les États-nations modernes et des outils importants pour les historiens et les entités gouvernementales. À ce titre, leur importance est à la fois symbolique et pratique. La restitution des archives peut se faire sous forme numérique ou physique. La plupart des exemples existants impliquent un partage numérique des archives, soit sous la forme d'une restitution des données numériques, soit sous la forme d'une accessibilité en ligne accrue. Un processus de restitution numérique des archives coloniales de la Belgique en cours, lancé à l'initiative du Rwanda, devrait servir de modèle aux futurs projets de restitution d'archives.

Dans le cas des collections de spécimens et autres éléments appartenant à la catégorie des sciences naturelles, il est important de considérer leurs relations culturelles, leur contenu, leur provenance et leur utilisation actuelle. Bien que les collections de sciences naturelles ne soient pas spécifiquement mentionnées dans ce document, nombre d'entre elles contiennent également des éléments qui s'inscrivent dans un contexte d'extraction coloniale et une pratique de catégorisation racialisée (voir Das et Lowe dans les lectures recommandées). Bien que nous reconnaissions la nécessité d'aborder cette grande variété de collections, ce rapport se concentre principalement sur les biens culturels et les restes humains.

1.2 L'origine des collections coloniales en Belgique

Cette partie a pour but de donner une introduction générale à la manière dont les objets des collections coloniales ont été rassemblés et comment ils sont arrivés en Belgique. Une attention particulière sera accordée aux collections d'objets et de vestiges centrafricains, car elles constituent les collections les plus urgentes dans notre pays aujourd'hui en termes de restitution et de réconciliation et réparation. Nous commencerons par donner un aperçu des personnes qui ont participé à l'obtention de ces objets, avant d'examiner les types d'objets se trouvant dans ces collections, et d'aborder enfin comment les collections des institutions publiques ont été constituées.

Les objets et les restes humains des collections privées et publiques de l'époque coloniale en Belgique ont été collectés par une grande variété de personnes : si certaines étaient belges, beaucoup ne l'étaient pas. Le terme "collecte" est faussement neutre et couvre un large éventail de pratiques par lesquelles les objets ont été obtenus, certaines en usant de violence physique, d'autres pouvant être qualifiées de formes d'échange mais ayant eu lieu dans des contextes d'inégalité structurelle significative. S'il est important de réaliser que les transactions ne sont pas toujours claires et que l'intentionnalité des personnes impliquées n'est pas binaire (bien intentionné vs mal intentionné), nous ne pouvons pas nier ou éluder le contexte fondamentalement problématique entourant ces rencontres.

1.2.1 Collections liées aux colonies belges

Les premiers objets provenant d'Afrique subsaharienne sont apparus en Europe au cours des XVIe et XVIIe siècles, non seulement par le biais du commerce européen avec les royaumes d'Afrique occidentale mais également en tant que cadeaux diplomatiques tels que des nattes et des coussins finement tissés provenant du royaume du Kongo (à l'embouchure du fleuve Congo). Ces différents objets ont alimenté les cabinets de curiosités des princes, de l'élite et du clergé européens, ce qui témoigne de l'intérêt des Européens pour la culture matérielle de l'Afrique centrale à l'époque précoloniale. Néanmoins, les objets culturels de cette région sont surtout parvenus en Belgique à partir du dernier quart du XIXe siècle. Les parcours de ces objets sont étroitement liés à la conquête, l'occupation et la colonisation de l'immense région d'Afrique centrale, grande comme 80 fois la Belgique.

Les objets culturels, mais aussi les restes humains, ont été "collectés" par des soldats, des marchands, des missionnaires, des fonctionnaires coloniaux, des scientifiques et, plus tard, des touristes. Ces collectes ont eu lieu de leur propre initiative, mais également à la demande de particuliers ou d'institutions scientifiques et culturelles européennes et nord-américaines. Le terme "collecte" englobe donc une variété de pratiques qui étaient liées à l'oppression et à la violence de la colonisation. Les motivations de la collecte étaient très diverses, allant de personnelles à militaires, en passant par des motivations professionnelles, politiques, économiques ou encore religieuses (voir Corbey dans les lectures recommandées). Pour ces collectionneurs, les objets congolais qu'ils avaient acquis assumaient de nouveaux rôles : trophée, souvenir, objet de recherche, matériel de propagande pour les expositions nationales ou internationales, ou encore objets destinés à alimenter les musées coloniaux.

Militaires et agents coloniaux

Les militaires et autres représentants du roi Léopold II, qui n'étaient pas tous belges, ont été l'un des premiers groupes à s'engager dans cette collecte. Ils ont collecté tout à la fois de leur propre initiative, sur ordre du souverain et sur demande de l'État libre du Congo. Certaines pièces ont été acquises par achat, troc ou don ; plusieurs autres artefacts, ainsi que des restes humains, ont été pris comme butin de guerre.

Au fur et à mesure que l'État colonial se développait, le nombre de représentants et d'agents de l'État colonial ainsi que le nombre des employés des entreprises coloniales augmentaient également. Les "pratiques de collecte" se sont donc diversifiées: la confiscation d'objets dans le cadre de procédures judiciaires dans le cas d'objets associés à des organisations ou des mouvements jugés dangereux par l'État colonial en est un bon exemple.

Missionnaires

À l'époque coloniale, la conversion massive de la population congolaise au christianisme était un objectif important pour les missionnaires. Leur attitude à l'égard de la culture et de la religion congolaises différait selon les époques et les individus. Plusieurs prêtres, pères et religieuses sont entrés en conflit avec des guérisseurs spirituels et des chefs congolais. Un exemple bien connu est celui des bûchers du XIXe siècle utilisés pour détruire les objets rituels "corrupteurs" et "païens". Ce type de comportement drastique n'était pas toutefois pas systématique. En effet, certains missionnaires voulaient approfondir leur connaissance de la culture et des langues congolaises pour évangéliser les populations locales. Pour cette raison, ils ont collecté des objets d'art et des objets rituels, avec ou sans la permission ou la coopération des communautés congolaises. Ici aussi, les objets ont sans doute été enlevés par la force et sous la pression.

Enfin, en raison de leur christianisation, des communautés congolaises se sont débarrassées elles-mêmes de certains objets, les ont vendus aux colons européens ou les ont apportés dans les missions. Les collections qui en résultent sont parfois exposées localement. D'autres ont abouti dans des congrégations en Europe et dans des expositions de missions en Belgique. Dans ce dernier cadre, les objets congolais ont été utilisés pour attirer l'attention sur le travail des missionnaires et pour collecter des fonds. De plus en plus de missionnaires ont également développé un intérêt scientifique pour les cultures congolaises, ce qui a conduit à une pratique de collection plus ciblée et mieux informée.

Scientifiques et chercheurs

Outre les fonctionnaires coloniaux et les missionnaires, des scientifiques allant de l'archéologue à l'ingénieur agronome ont également participé activement à la translocalisation d'objets congolais.

Au début du XXe siècle, des musées d'ethnographie et de sciences naturelles belges et européens, ainsi qu'américains, ont mis sur pied des expéditions de longue durée dans la colonie belge. Les premières missions de collecte, organisées à la fin du XIXe siècle, étaient étroitement liées aux campagnes militaires. D'autres étaient liées à l'exploitation économique de la région. Par exemple, l'ethnologue hongrois Emil Torday, qui a rassemblé en 1907 des collections pour le British Museum de Londres, travaillait pour la Compagnie du Kasaï. L'expédition de Von Mecklenburg (1907-1909) a collecté des données pour le Ethnologisches Museum de Berlin. L'expédition au Congo de Lang et Chapin (1909-1915) fournit des collections à l'American Museum of Natural History de New York. Les expéditions ethnographiques organisées par le Musée colonial belge du Congo (fondé en 1898) étaient limitées. Joseph Maes, chef du département ethnographique du musée de 1910 à 1946, ne se rendit qu'une seule fois au Congo. L'expédition d'Armand Hutereau (ancien militaire) de 1911 à 1913 est organisée par le Ministère des Colonies. Les collections ethnographiques qu'il a réunies se trouvent aujourd'hui à Tervuren. Dans les années 1950, la recherche ethnographique prend un caractère plus systématique, avec des séjours de longue durée sponsorisés par l'IWOCA (Instituut voor Wetenschappelijk Onderzoek in centraal-Afrika, voir Petridis dans les lectures recommandées).

Professions médicales

Les professionnels de la santé étaient souvent sollicités par leurs collègues pour analyser physiquement les populations locales, en partie par la collecte et l'examen actifs des restes humains. Par exemple, lorsque Charles Lemaire a rapporté des restes humains en Belgique lors de sa deuxième expédition au Congo en 1895, il était accompagné du docteur Bourguignon pour récupérer les crânes et les os des corps humains. Cette pratique s'est poursuivie dans les années 1930 et 1940, lorsque les centres médicaux du Congo belge ont été chargés d'envoyer des restes sous forme d'os et de tissus conservés dans du formaldéhyde au Musée du Congo.

Marchands d'art

Au début du siècle, le champ d'activité des marchands d'art se limitait à l'Europe et à l'Amérique du Nord. Les premiers marchands d'objets culturels congolais ne se rendaient souvent pas au Congo, mais travaillaient avec des intermédiaires africains ou échangeaient des objets qui se trouvaient déjà en Europe. Ce n'est que dans les années 1950 que les marchands belges ont commencé à se rendre en Afrique centrale pour collecter des "marchandises". La légalité de la plupart des transactions des marchands de cette période ne peut être clairement établie - comme c'est le cas pour toutes les catégories de "collectionneurs". Le caractère douteux ou illégitime de bon nombre de ces transactions est en partie dû à l'absence de cadre juridique et à des prix d'achat inéquitables.

Motivations

Ce qui était collecté dépendait souvent de la personne qui collectait, bien que les généralisations soient très risquées. Les missionnaires s'intéressaient généralement aux objets de la sphère religieuse et spirituelle, tandis que les militaires étaient souvent plus concernés par les armes et les trophées. Les objets sculpturaux plus spectaculaires ou "excentriques", qui s'écartaient du canon esthétique occidental, étaient très recherchés par les collectionneurs d'art. Ces formes de "collectes" quelque peu désordonnées ont déterminé la vision déformée des cultures congolaises en Europe et en Amérique du Nord. De nombreux collectionneurs, par exemple, ont systématiquement ignoré les objets fabriqués par des femmes, comme certaines céramiques ou certains textiles.

Un marché en expansion

En raison de la croissance de l'administration et de la présence d'entreprises belges durant l'entre- deux-guerres, le nombre d'employés coloniaux (fonctionnaires, cols blancs, ingénieurs, médecins, etc. et leurs familles) a augmenté, tout comme le tourisme. Cela a créé un marché croissant pour les formes d'art et les objets artisanaux spécialement conçus pour être vendus aux colons et aux touristes. Certains de ces objets ont été fabriqués par des jeunes congolais sous la supervision de chefs religieux dans les écoles des missions. Il s'agit de toutes sortes d'objets décoratifs en ivoire et en ébène, de petites peintures de scènes rurales, de textiles, etc. Plusieurs missions ont tiré des revenus de la vente de ces objets. L'économie locale a également répondu à la demande d'art "authentique", c'est-à-dire d'objets ne présentant aucune influence des cultures européennes et censés être destinés à un usage local. Certains artistes congolais ont créé à la fois pour le marché local et pour le marché européen, ce qui montre que le concept d'authenticité est complexe.

L'existence d'un marché actif à destination des colons est souvent proposée comme argument contre le rapatriement de certaines collections coloniales. Cependant, il est important de considérer les conditions dans lesquelles ces marchés ont été établis. Ils ont été constitués non seulement pour les besoins locaux, mais ont également répondu directement aux réseaux inégaux de pouvoir et de capital établis par le colonialisme. Il ne faut donc pas sous-estimer le rôle que la condition économique de pauvreté a joué dans la vente d'objets et d'héritages.

Zones d'ombres

En général, nous ne savons que relativement peu de choses sur les circonstances spécifiques dans lesquelles les objets ont été pris au Congo. Il existe toutefois des exceptions où nous disposons d'informations détaillées, comme les butins de guerre des colonisateurs de la fin du XIXe siècle, Emile Storms, Oscar Michaux et Alexandre Delcommune, qui ont consigné leurs exploits dans des journaux et des rapports, ou les objets figurant dans les notes du missionnaire Leo Bittremieux du début du XXe siècle. Même dans les expéditions dites scientifiques plus tardives, les participants se sont concentrés sur la collecte hâtive de matériel (dans l'idée que les traditions artistiques étaient en train de disparaître) plutôt que sur une documentation minutieuse. Ces lacunes sont toutefois très parlantes. De nombreux objets qui ont circulé dans le commerce de l'art sont également problématiques car les premiers marchands n'ont pas ou peu consigné les noms des intermédiaires.

En raison de la pauvreté et de la partialité des informations contenues dans les archives coloniales, nous ne savons donc que peu de choses sur le rôle joué par les africains dans le processus de collecte et d'acquisition d'informations. Les contacts congolais ont fourni une expertise, des traductions et des réseaux indispensables. Dans le cas des missionnaires, il s'agissait souvent de convertis qui vivaient ou travaillaient au sein de la mission ; ils contribuaient à maintenir les contacts avec les communautés environnantes. Dans le cas des expéditions militaires et/ou scientifiques, ils étaient, par exemple, des guides et des traducteurs. Nous ne savons que très peu de choses sur eux, mais il est clair que ces individus constituaient des maillons essentiels et étaient intégrés dans une structure de pouvoir complexe et tentaculaire, ce qui ne facilite pas l'appréciation de la nature du processus d'acquisition.

Malgré les motivations diverses des collectionneurs et l'expansion du commerce d'objets opéré par les Congolais eux-mêmes, on ne peut nier que ces transferts ont eu lieu dans un cadre de relations de pouvoir inégales. Il s'agit notamment des inégalités structurelles politiques, sociales et économiques du colonialisme, et de leurs effets sur les relations interpersonnelles.

1.2.2 Autres collections coloniales en Belgique

Les collections belges provenant d'autres régions d'Afrique, d'Amérique, d'Asie et d'Océanie sont généralement le résultat de concessions économiques, d'expéditions scientifiques, d'activités de missionnaires, de dons politiques ou de matériel acheté auprès de marchands d'art (inter)nationaux. Dans ces cas, la Belgique n'a pas été directement impliquée dans les efforts de colonisation de ces nations, mais a tout de même bénéficié des relations inégales construites par d'autres puissances mondiales. La colonisation belge ne pouvait exister qu'au sein d'un réseau d'oppression et il est toujours important de comprendre que les collections en Belgique sont issues d'un système d'échanges mondiaux et de dynamiques de pouvoir dans lequel les domaines de la politique, de la culture et de l'économie se croisent.

Avant même la création de l'Etat belge en 1830, des personnes vivant dans les régions qui constituent la Belgique actuelle ont été attirées par les régions colonisées par les puissances européennes voisines. Ces personnes étaient souvent attirées par des incitants économiques, car elles recevaient des terres et des ressources en échange de leur soutien aux colons dans leurs tentatives de conserver ou d'étendre leur contrôle politique et économique, comme ce fut le cas des propriétaires flamands dans les Antilles danoises. Parallèlement à ces premières entreprises, des individus se sont également engagés dans des entreprises organisées et des sociétés commerciales, telles que la Compagnie Néerlandaise des Indes Orientales, qui ont contribué aux efforts de colonisation formels et informels à travers le monde. Pour les individus eux-mêmes, ces initiatives ont permis d'amasser des richesses ; mais ces investissements ont également donné lieu à des possibilités de collecte d'objets.

Au moment où la Belgique est devenue une nation indépendante, cette tendance à investir et à collectionner simultanément s'est poursuivie. Elle se manifeste de manière très directe à travers les collections d'industriels de premier plan comme Edouard Empain (1852-1929) et Raoul Warocqué (1870-1917) qui ont contribué aux intérêts belges à l'étranger. L'origine de certaines des collections qu'ils ont rassemblées, comme l'Égypte et la Chine, se situe en dehors des frontières coloniales belges. Néanmoins, les concessions économiques à grande échelle que les Belges ont obtenues des gouvernements locaux dans des régions comme Héliopolis et Tianjin doivent être prises en compte lors de l'évaluation de la provenance de ces collections.

Outre l'impact des industriels et des investisseurs, les collections créées par les missionnaires, les explorateurs et les scientifiques financés par les institutions belges et travaillant dans les pays colonisés ou annexés par les grandes puissances devraient faire l'objet de recherches en provenance et d'un examen éthique. Le financement de ces missions s'accompagnait régulièrement de l'obligation de rapporter du matériel pour enrichir les musées belges afin d'assurer un retour suffisant sur l'investissement de la nation. C'était particulièrement le cas pour les fouilles archéologiques et les expéditions anthropologiques qui étaient directement associées aux musées et aux institutions de collecte, tant par leur personnel que par leur financement. De tels accords ont été formalisés lors des premières missions archéologiques financées par le Fonds National de Recherche Scientifique et peuvent être observés dans les arrangements pris à propos du matériel à ramener en Belgique par les expéditions à l'Ile de Pâques et à Apamée dans les années 1930 (voir Halleux et Xhayet dans les lectures recommandées). Ces exigences s'ajoutaient bien sûr aux progrès des connaissances scientifiques et au prestige international que ces projets créaient.

Comme ce fut le cas dans de nombreuses puissances européennes, les agents belges ont bénéficié des lois sur les antiquités mises en place par les puissances européennes pour servir leurs propres intérêts nationaux ou, dans certains cas, d'une absence de législation concrète. Grâce à leur accès unique à des sites éloignés, les archéologues, anthropologues et historiens de l'art ont souvent assumé un rôle supplémentaire en tant que conservateurs de musée, marchands d'art et conseillers des collectionneurs. Les documents d'archives montrent leur participation active au marché des antiquités et à la distribution des découvertes, mettant leur expertise au service des institutions nationales.

Bien que ces diverses collections n'aient pas été acquises par la colonisation directe, elles font partie d'un héritage extractif plus large et doivent donc être considérées de manière critique dans nos pratiques muséales.

Les Conventions et normes juridiques décrites ci-dessous détaillent les instruments nationaux et internationaux les plus pertinents en matière de protection du patrimoine culturel. Ce cadre juridique incomplet, du moins en ce qui concerne le patrimoine colonial, peut ouvrir la voie à la création d'un nouveau cadre juridique que l'État belge - et ses institutions chargées du patrimoine - pourraient utiliser utilement pour lutter à la fois contre le détournement et/ou le pillage historique du patrimoine culturel et contre le commerce illicite actuel des biens culturels.

Le cadre juridique est souvent invoqué dans les débats sur le retour, la restitution et/ou le rapatriement des biens culturels, le plus souvent pour en dénoncer l'inadéquation, voire l'insuffisance ou, au contraire, pour l'utiliser comme un rempart contre la restitution en brandissant des règles inflexibles, parfois dans un but politique, afin d'empêcher tout retour.

En effet, malgré un nombre important d’instruments juridiques, rares sont ceux qui peuvent répondre au problème du retour des collections coloniales. Le principal obstacle est la limite temporelle de ces règles juridiques : la plupart des textes ont été adoptés après que les objets d'origine étrangère soient entrés en possession de personnes résidentes en Belgique et ne s'appliquent pas rétroactivement. En d'autres termes, bien que ces textes internationaux, européens et nationaux constituent un cadre important et intéressant dans le débat sur le retour des biens culturels ils ont, dans de nombreux cas, peu de chances de s'appliquer (2.1).

Toutefois, certains autres instruments réglementaires sont intéressants à considérer dans le contexte juridique, même s'ils ne sont pas juridiquement contraignants (2.2).

Compte tenu de ces défis juridiques, l'adoption d'un cadre juridique spécifique fondé sur le devoir moral de restitution du patrimoine colonial et sur le droit fondamental au patrimoine culturel est souhaitable (2.3).

2.1 Instruments juridiques existants

Cette section donne un bref aperçu des principaux instruments juridiques existants en matière de patrimoine culturel, tout en montrant que ce cadre reste incomplet pour aborder la situation spécifique du patrimoine colonial.

Il existe un large éventail de législations au niveau international :

  • pour protéger le patrimoine culturel en temps de guerre :
    • La Convention (II) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et son Annexe: Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. La Haye, 29 juillet 1899;
    • La Convention (IV) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et son Annexe: Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. La Haye, 18 octobre 1907 ;
    • La Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé. La Haye, 14 mai 1954 (et ses protocoles additionnels I (1954) et II (1999) ;
    • Protocoles additionnels des Conventions de Genève de 1949, I et II de 1977.
  • pour lutter contre le trafic des biens culturels :
    • La convention UNESCO concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels. Paris, 14 novembre 1970 ;
    • La Convention UNIDROIT sur les biens culturels volés ou exportés illicitement. Rome, 24 juin 1995.

Et au niveau européen:

  • Pour promouvoir le retour ou la restitution des biens culturels:
    • la Directive 2014/60/EU du Parlement Européen et du Conseil Européen du15/05/2014 sur le retour de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un État membre et modifiant le règlement (UE) n° 1024/201211.
  • Pour contrôler l'importation et l'exportation des biens culturels:
    • Règlement (CE) n° 116/2009 du Conseil Européen du 18/12/2008 concernant l'exportation de biens culturels2 ;
    • Règlement (UE) 2019/880 du Parlement Européen et du Conseil Européen du 17/04/2019 sur l'introduction et l'importation de biens culturels.

La diversité de ces textes a conduit à une certaine fragmentation au niveau international et donc à une difficulté d'application générale des instruments juridiques appropriés au traitement et au retour des biens culturels.

Une des principales difficultés réside dans le fait que les dispositions juridiques ne s'appliquent pas rétroactivement, c'est-à-dire dans le cas de trafic ou d'acquisition illégale de biens culturels qui ont lieu après l'entrée en vigueur des instruments internationaux, européens ou nationaux pertinents dans l'ordre juridique belge. Le tableau ci-dessous reprend les différents textes juridiques pertinents et leur entrée en vigueur en Belgique. Un texte international, européen ou national entre en vigueur en Belgique qu’après sa publication (parfois juste après la publication, parfois quelques jours, semaines, mois après) qui suit la date de ratification internationale par la Belgique. En effet, pour être publié et entrer en vigueur, un texte international doit d'abord être ratifié ; la convention internationale ne devient juridiquement contraignante que lorsque le pays la ratifie (et non lorsqu'il se contente de la signer). Au demeurant, certaines Conventions exigent un nombre déterminé de ratifications pour entrer en vigueur de manière internationale. Certains textes doivent également être transposés en droit national pour être directement applicables (et donc pouvoir être directement invoqués par les citoyens).

Instrument juridique Entrée en vigueur en Belgique Transposition (si d'application)
La Convention de La Haye de 1899 1899
La Convention de La Haye de 1907 1907
La Convention de La Haye de 1954 + Protocole additionnel I 16 décembre 1960
Le protocole additionnel II de la Convention de la Haye de 1954 (1999) 13 octobre 2010
Protocoles additionnels (1977) des Conventions de Genève de 1949 20 novembre 1986
Convention UNESCO de 1970 30 juin 2009 (pas encore)
Convention UNISDROIT de 1995 / /
Directive 2014/UE/60 1 janvier 19933 loi du 28 octobre 1996
Règlement UE 116/2009 1 janvier 19934\ /
Règlement UE 2019/880 28 décembre 2020 (en partie) /
Article 90 du Code de droit international privé 1 octobre 2004 /

En dehors des Conventions de La Haye sur les conflits armés, dont l'application apparaît également compliquée (mais pas impossible dans la mesure où elles pourraient cristalliser une coutume préexistante) dans le cas des conquêtes coloniales, la plupart des collections coloniales ont été acquises avant l'entrée en vigueur de ces instruments juridiques en Belgique et ne peuvent donc pas bénéficier des règles prévues par les différents textes. Par exemple, l'article 90 du Code belge de droit international privé est assez original dans le paysage juridique international, puisqu'il permet au demandeur de choisir d'invoquer la loi de l'Etat d'origine en cas de vol de biens culturels, reconnaissant ainsi l'application du droit public étranger, mais cela ne s'applique qu'aux vols de biens culturels qui ont eu lieu après l'entrée en vigueur du Code, c'est-à-dire après le 01/10/2004.

Seules les conventions internationales les plus pertinentes sont brièvement expliquées ci-dessous. Pour un aperçu plus détaillé du cadre juridique belge, nous renvoyons à un rapport à paraître prochainement à l'Académie royale de Belgique (avec Yasmina Zian) sur le traitement et la restitution des collections extra-européennes.

2.1.1 La Convention UNESCO du 14/11/1970 et sa transposition incomplète en Belgique

Pionnière dans la lutte contre le trafic de biens culturels en temps de paix, la Convention de l'UNESCO de 1970 s'articule autour de trois piliers : la prévention, la restitution et la coopération internationale.

Elle s'applique aux biens culturels meubles, répartis en plusieurs grandes catégories et définis par un État donné comme appartenant à son patrimoine, ce qui témoigne d'une relation juridique particulière entre l'État et le bien culturel (voir articles 1 et 4). En outre, la Convention ne s'applique qu'entre les États contractants et non entre les États qui ne l'ont pas ratifiée. Enfin, son application temporelle précise que la Convention n'a pas d'effet rétroactif ; elle ne s'applique qu'aux cas postérieurs à son entrée en vigueur, dans l'ordre juridique de chaque État partie (article 21).

En d'autres termes, la Convention ne serait applicable en Belgique qu'à partir du 30/06/2009, date de son entrée en vigueur belge, et non à partir de son entrée en vigueur internationale le 24/04/1972. Elle est animée par un double objectif. D'une part, elle vise à encourager chaque État à protéger son patrimoine culturel, notamment par l'établissement d'un inventaire et par des mesures de contrôle des exportations et des importations, et d'autre part, elle vise à réduire le commerce international illicite en prônant une plus grande coopération entre les États. Il est également intéressant de noter que la restitution prévue par la Convention est exclusivement diplomatique et non judiciaire, ce qui démontre le caractère indissociable entre la sphère politique et la Convention.

La Belgique n'a ratifié le traité que le 31/03/2009 (entrée en vigueur en Belgique le 30/06/2009), bien que ce ne soit pas si tard par rapport à certains pays voisins.

Le traité n'étant pas directement applicable, la Belgique doit encore prendre certaines mesures juridiques pour transposer ses obligations. L'absence d'effet direct est en effet l'une des faiblesses de la Convention, qui ne crée que des droits et des obligations pour les États et non des droits subjectifs pouvant être invoqués par les particuliers, ce qui limite les possibilités de coercition à l'encontre de l'État. Cependant, l'influence de l’esprit de la Convention - avant même sa ratification définitive - est notable dans la mesure où elle a incité les communautés fédérales et, plus récemment, la Région de Bruxelles-Capitale, à adopter des mesures de protection de leur patrimoine culturel mobilier, bien que tardivement par rapport aux pays voisins. La ratification de la Convention a également eu pour objectif d’atténuer la mauvaise réputation de la Belgique en tant que plaque tournante du trafic de biens culturels.

Bien que les trois communautés et la Région de Bruxelles-Capitale aient déjà adopté des mesures de transposition qui protègent en général les biens culturels mobiliers un instrument structurel était encore nécessaire pour coordonner et harmoniser la coopération entre les différentes entités afin de parvenir à une politique cohérente de lutte contre le trafic de biens culturels. A cette fin, un comité consultatif composé des entités compétentes (Communautés, Régions et État fédéral) a créé une plateforme "Importation, exportation et retour de biens culturels" par décret du 16/01/2009. Cette plateforme a largement contribué à l'élaboration d'un projet de loi de transposition de la Convention en 2012, qui est toutefois toujours en suspens, alors qu'il aurait dû être adopté par le gouvernement fédéral en 2015.

2.1.2 La Convention UNIDROIT du 24/06/1995 et le refus de sa ratification par la Belgique

La Convention sur les biens culturels volés ou illicitement exportés, signée à Rome le 24/06/1995, est résolument novatrice en ce qu'elle vise notamment à établir un équilibre entre l'intérêt collectif de la protection du patrimoine culturel et les prérogatives de l'acheteur de bonne foi, c'est-à-dire le possesseur convaincu d'être le détenteur d'un titre légitime, et donc d'être le propriétaire légitime du bien.

La Convention s'applique aux biens culturels meubles, répartis dans les mêmes catégories que la Convention UNESCO de 1970. Cependant, contrairement à la Convention UNESCO, qui laisse à chaque État membre le soin de désigner les biens qu'il considère comme des biens culturels, la Convention UNIDROIT s'applique à tous les biens appartenant à l'une des catégories de biens culturels, sans qu'il y ait désignation d'un État. La Convention UNIDROIT étant directement applicable, les États parties acceptent sa définition. Au même titre que la Convention UNESCO, la Convention UNIDROIT fait une distinction entre les biens culturels volés et ceux exportés illégalement.

Biens culturels volés

Dans le cas des biens culturels volés, l'État contractant dans lequel se trouve le bien est tenu de restituer le bien volé, quel que soit le lieu où il a été volé (même sur le territoire d'un État non membre), sous réserve des règles et délais prévus à l'article 3 (retour automatique et indemnisation équitable du possesseur diligent de bonne foi, délai de 50 ans ou plus en valeur absolue et de 3 ans en valeur relative).

Biens culturels exportés illégalement

Dans le cas de biens exportés illicitement, l'État contractant où se trouve le bien est tenu de le restituer à la demande de l'État d'origine, à condition que l'État d'où le bien a été sorti et l'État où il est entré illicitement soient tous deux parties à la Convention conformément à l'article 5 (retour non automatique et indemnisation équitable du possesseur de bonne foi, délai de 50 ans en valeur absolue et de 3 ans en valeur relative).

La Convention n'a pas d'effet rétroactif (article 10), mais précise qu'elle ne légitime pas les faits antérieurs à son adoption.

En 2012, la question de savoir si la Belgique devait ratifier la Convention UNIDROIT a été soulevée au moyen d'une étude intitulée "Opportunité et conséquences de la ratification par la Belgique de la Convention UNIDROIT sur les biens culturels volés ou illicitement exportés". L'étude conclut qu' "il ne ressort pas clairement que la Belgique doit ou non adhérer absolument à la Convention d’UNIDROIT". La conclusion mitigée tient au fait que la Convention UNIDROIT dénature davantage le droit civil des biens que la Convention UNESCO car elle annule le principe de la prescription de bonne foi du possesseur d'un bien culturel dans toute situation impliquant un vol ou une exportation illicite de bien culturel. C'est pourquoi, le 25 juin 2014, la plateforme consultative permanente sur l'importation, l'exportation et la restitution des biens culturels a émis l'avis qu'avant d'envisager la ratification de la Convention UNIDROIT, la priorité devait être donnée à la mise en œuvre de la Convention UNESCO de 1970 et à la transposition de la directive 2014/60/UE du 15/05/2014. Toutefois, dans son rapport sur le vol d'œuvres d'art du 15/06/2018, le Sénat belge encourage le réexamen de la ratification de cet instrument, sans toutefois faire référence à l'étude de 2012, car il considère qu'il s'agit de l'un des instruments les plus aboutis pour la mise en œuvre d'une politique de restitution cohérente.

Et en effet, la ratification de la Convention UNIDROIT de 1995 doit être encouragée dans la mesure où elle contribue à une politique efficace et effective de lutte contre le commerce illicite des biens culturels et, par conséquent, au traitement et au retour des collections provenant hors de l'Europe.

Il serait utile que des accords de coopération soient conclus entre l'État fédéral et les entités fédérées compétentes lors de cette ratification, ainsi que lors de la transposition de la Convention UNESCO.

Par ailleurs, en ce qui concerne la politique pénale à mener en matière de lutte contre les trafics illicites, il est utile de se référer au rapport du Sénat de juin 2018 sur le vol d'œuvres d'art, qui contient déjà une série de recommandations très pertinentes. En outre, l'Union européenne a adopté la 5e directive UE 2018/843 du 30/05/2018 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, qui a été transposée dans la législation belge le 20/07/2020 et qui, entre autres, soumet les marchands d'art à des obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux lors de la vente d'antiquités, d'objets d'art et de biens culturels de plus de 10 000 euros.

Enfin, l'adoption de ces mesures prévoit également que la question du renversement de la charge de la preuve, qui confirme l'introduction de la notion de diligence raisonnable et donc le renversement de la présomption de bonne foi, sera remise en question au niveau judiciaire.

Autant la Convention UNESCO de 1970 que la Convention UNIDROIT de 1995 visent à lutter contre le trafic de biens culturels en général (pas en temps de guerre, d'autres Conventions sont alors applicables, voir l'introduction du chapitre 2, mais ne sont pas abordées ici). Ce sont des outils juridiques internationaux utiles, mais ils sont pour la plupart inapplicables dans le cadre d'une discussion sur le retour des collections coloniales belges. En effet, la Convention UNESCO de 1970 a été ratifiée mais n'a pas encore été transposée en droit belge et la Convention UNIDROIT de 1995 n'a pas encore été ratifiée par la Belgique. En raison de ce cadre juridique manquant, le droit civil belge s'applique par défaut, ce qui favorise fortement la situation possesseur/propriétaire actuel. Par ailleurs, quand bien même ces Conventions seraient ratifiées et/ou transposées, elles ne sont pas rétroactives ou ne concernent que 50 ans max. à partir du constat du vol/soustraction illégale.

2.1.3 Le droit civil belge s'applique par défaut et favorisant le possesseur

On ne peut que constater que les anciennes puissances coloniales ne se sont pas empressées de prendre des mesures spécifiques pour combler l'absence de règles juridiques s'appliquant avant l'entrée en vigueur du cadre juridique existant, c'est-à-dire les règles juridiques susceptibles de s'appliquer aux biens culturels acquis dans le contexte colonial (principalement au XIXe et au début du XXe siècle).

Ces anciennes puissances coloniales se sont réfugiées derrière le principe de l'inter-temporalité du droit, selon lequel : "un fait juridique doit être apprécié à la lumière de la loi qui lui est contemporaine, et non de la loi en vigueur à l'époque où naît ou doit être réglé un litige à son sujet". Certains prélèvements coloniaux ayant été considérés comme légaux à l'époque, le titre ainsi acquis ne devrait pas être remis en cause, la prescription étant d'ailleurs acquise depuis longtemps. Il suffit de s'appuyer sur le droit civil commun pour confirmer les droits du possesseur.

Selon le droit civil belge, qui favorise la libre circulation des biens, les droits du possesseur sont privilégiés par rapport à ceux du propriétaire initial. Le possesseur acquiert donc le titre soit parce qu'il a acquis le bien du propriétaire (situation normale), soit parce qu'il l'a acquis d'une autre personne que le propriétaire, souvent un détenteur précaire (acquisition a non domino), mais s'il croit de bonne foi l'avoir acquis du propriétaire (possesseur de bonne foi).

C'est pourquoi, le plus souvent, les collectionneurs belges, tant publics que privés, possèdent un titre de propriété sur les objets coloniaux en leur possession. Il est donc beaucoup plus difficile pour les propriétaires originels dépossédés de faire valoir un quelconque droit à la restitution. Aussi simple que soit la logique de la prescription, elle n'en est pas moins impitoyable.

2.2. Instruments réglementaires de la soft law

Il existe d'autres instruments qui peuvent être intéressants dans le contexte du cadre juridique entourant les collections coloniales, bien qu'ils soient moins/pas légalement contraignants et soient donc considérés comme du droit " doux " (soft law). Trois des instruments cités dans cette section (Déclaration d'Abuja de 1993, Charte de la renaissance culturelle africaine de 2006, et NAGPRA de 1990) ne sont pas applicables en Belgique mais sont néanmoins utiles pour comprendre le contexte plus large entourant la restitution, et aider à construire un nouveau cadre juridique. Le Comité de l'UNESCO (2.2.1, ci-dessous), bien que n'étant pas un instrument en tant que tel, a développé une jurisprudence intéressante qui est pertinente pour les questions abordées dans ces recommandations.

2.2.1 Le Comité intergouvernemental de l'UNESCO pour la promotion du retour de biens culturels à leur pays d'origine ou de leur restitution en cas d'appropriation illégale (CIPRBC), 1978

Le Comité a été créé en 1978 en tant qu'organe permanent et assiste les négociations bilatérales relatives au retour des biens culturels. Il joue le rôle d'un organe consultatif et d'un organisme chargé de faciliter les négociations bilatérales ; il n'a aucun pouvoir juridique de décision sur les cas concernés. Une idée prometteuse derrière le CIPRBC était qu'il devait pallier l'absence de clause de rétroactivité dans la Convention de 1970. Mais cela n'a jamais fonctionné ainsi.

Un cas célèbre est celui du Sri Lanka qui, après des recherches approfondies, a présenté en 1980 une demande de restitution d'objets se trouvant dans des collections publiques de plusieurs pays européens (UNESCO CIPRBC, CC 79/CONF.206/COL.10). En Belgique, il a été demandé aux Musées Royaux d'Art et d'Histoire (MRAH) de restituer un couteau dont la lame portait des pierres précieuses (E.O. 2007) et le manche en ivoire sculpté de l'éventail d'un moine bouddhiste (E.O. 2009). En 1983, le CIPRBC a cependant décidé que le Sri Lanka devait traiter ces demandes au niveau bilatéral. Les MRAH n'ont entrepris aucune action, après quoi la demande s'est perdue. Cela s'est également produit entre le Sri Lanka et d'autres pays européens.

Il est peu probable que le CIPRBC joue un rôle important dans les demandes de restitution des collections coloniales. Il contribuera plutôt à mieux protéger le patrimoine : grâce à des campagnes de sensibilisation utilisant des films, des vidéos et des publications ; par le biais de règles de médiation et de conciliation sur les conflits liés aux biens culturels ; en proposant un modèle de certificat d'exportation pour les objets culturels ; en créant une base de données des législations nationales sur le patrimoine culturel ; en présentant un projet de base de données des cas de restitution ; en énonçant des mesures de lutte contre le trafic sur Internet ; et en mettant en place un code d'éthique pour les négociants en biens culturels.

Qu'il soit partie ou non à la Convention, un État qui a perdu des biens culturels d'importance fondamentale et qui en demande la restitution ou le retour, dans des cas non couverts par des conventions internationales, peut faire appel à ce Comité. Il est chargé de :

  • faciliter des négociations bilatérales pour la restitution ou le retour des biens culturels aux pays d'origine ;
  • promouvoir la coopération multilatérale et bilatérale pour la restitution et le retour ;
  • encourager la recherche et des études pour l'établissement de programmes cohérents pour la constitution de collections représentatives dans les pays dont le patrimoine culturel a été dispersé ;
  • stimuler des campagnes d'information du public sur la nature réelle, l'étendue et la portée du problème de la restitution ou du retour des biens culturels à leur pays d'origine ;
  • guider la conception et la mise en œuvre du programme d'activités de l'UNESCO dans le domaine de la restitution ou du retour des biens culturels à leur pays d'origine ;
  • encourager la création ou le renforcement de musées ou d'autres institutions pour la conservation des biens culturels et la formation du personnel scientifique et technique nécessaire ;
  • promouvoir les échanges de biens culturels conformément à la Recommandation concernant l'échange international de biens culturels ;
  • faire rapport sur ses activités à la Conférence générale de l'UNESCO lors de chaque session ordinaire.

2.2.2 Conférence de Washington sur les œuvres d'art volées par les nazis, 1998

Le 03/12/1998, les représentants de 44 gouvernements se sont réunis à Washington, D.C., pour approuver une série de principes destinés à aider les héritiers de collectionneurs juifs à récupérer les œuvres d'art confisquées par les nazis. Onze principes non contraignants ont été énumérés pour aider à résoudre les questions relatives à l'art confisqué par les nazis :

  • Les œuvres d'art qui ont été confisquées par les nazis et qui n'ont pas été restituées par la suite doivent être identifiées ;
  • Les archives et dossiers pertinents devraient être ouverts et accessibles aux chercheurs, conformément aux directives du Conseil International des Archives ;
  • Des ressources et du personnel devraient être mis à disposition pour faciliter l'identification de toutes les œuvres d'art qui ont été confisquées par les nazis et n'ont pas été restituées par la suite ;
  • Pour établir qu'une œuvre d'art a été confisquée par les nazis et n'a pas été restituée par la suite, il faut tenir compte des lacunes ou des ambiguïtés inévitables dans la provenance, compte tenu du passage du temps et des circonstances de l'époque de l'Holocauste ;
  • Tous les efforts doivent être faits pour faire connaître les œuvres d'art qui ont été confisquées par les nazis et qui n'ont pas été restituées par la suite, afin de retrouver leurs propriétaires d'avant-guerre ou leurs héritiers. ;
  • Des efforts devraient être faits pour établir un registre central de ces informations ;
  • Les propriétaires d'avant-guerre et leurs héritiers doivent être encouragés à se manifester et à faire connaître leurs droits sur les œuvres d'art confisquées par les nazis et non restituées par la suite ;
  • Si les propriétaires d'œuvres d'art d'avant-guerre confisquées par les nazis et non restituées par la suite, ou leurs héritiers, peuvent être identifiés, des mesures doivent être prises rapidement pour parvenir à une solution juste et équitable, tout en reconnaissant que cela peut varier en fonction des faits et des circonstances entourant un cas spécifique ;
  • Si les propriétaires d'œuvres d'art d'avant-guerre qui ont été confisquées par les nazis, ou leurs héritiers, ne peuvent être identifiés, des mesures doivent être prises rapidement pour parvenir à une solution juste et équitable ;
  • Les commissions ou autres organismes créés pour identifier les œuvres d'art confisquées par les nazis et pour aider à résoudre les problèmes de propriété doivent avoir une composition équilibrée ;
  • Les pays sont encouragés à développer des processus nationaux pour mettre en œuvre ces principes, en particulier en ce qui concerne les mécanismes alternatifs de résolution des conflits pour résoudre les questions de propriété.

Il existe des similitudes et des différences entre les œuvres d'art confisquées par les nazis et le pillage colonial. Si les deux sont le résultat d'une injustice historique, les collections coloniales couvrent une période beaucoup plus longue et les informations sur la provenance des objets sont souvent plus difficiles à obtenir. Cela a de sérieuses répercussions sur les preuves dont disposent les requérants.

Même si elle n'est pas juridiquement contraignante, la Conférence de Washington a eu un impact important, incitant les États à prendre des mesures pour récupérer les œuvres d'art confisquées par les nazis. Les principes énoncés établissent un cadre important, également pertinent pour le traitement des pillages coloniaux, car ils exigent un rôle proactif des détenteurs, appellent à la compréhension des problèmes liés aux preuves et soulignent l'importance de solutions justes et équitables pour les demandes complexes.

2.2.3 Le Code de déontologie de l'ICOM, 2004

Le Code de déontologie pour les musées de l'ICOM (Conseil International des Musées) fixe des normes professionnelles minimales et encourage la reconnaissance des valeurs partagées par la communauté internationale des musées. Cet outil de référence fournit des orientations et se présente comme une série de principes soutenus par des directives détaillant les pratiques professionnelles attendues. Il a été rédigé de manière transversale et conçu comme un instrument d'autocontrôle professionnel. Les membres de l'ICOM doivent accepter et respecter les règles du Code.

Le Code de déontologie de l'ICOM pour les musées aborde divers sujets liés aux musées, tels que les procédures d'acquisition, le respect de la législation, la gestion des ressources, la sécurité et les retours. Le Code préconise également des principes forts jouant un rôle clé dans la lutte contre le trafic des biens culturels, par exemple en matière de diligence raisonnable et de provenance. Après avoir été adopté pour la première fois en 1986, puis révisé en 2004, le Code a été traduit en 38 langues. Toutefois, à la suite de la 25e conférence générale qui s'est tenue Kyoto en 2019 la question de la nécessité de révision du Code a été posée et aboutira peut-être à une nouvelle version dans un proche futur, révision qui pourrait prendre d'avantage en considération la question du patrimoine colonial. Le Code de déontologie pour les musées d'histoire naturelle de 2013 est également pertinent, étant donné la présence de collections coloniales dans ces musées.

L'ICOM assure la promotion et la défense de son Code lors de sessions de formation organisées dans le monde entier, incluant des études de cas pratiques, afin d'aider les professionnels des musées à appliquer ses valeurs et ses principes. Un comité permanent d'éthique (ETHCOM) est chargé de traiter les questions éthiques des musées qui lui sont signalées. Il y a également un comité international IC Ethics qui s'occupe de ces questions depuis 2019.

Le chapitre 6 du Code traite de la collaboration avec les communautés d'où proviennent les collections, ainsi qu'avec celles qu'elles servent. Concernant l'origine des collections, il est dit :

  • Les musées doivent promouvoir le partage des connaissances, de la documentation et des collections avec les musées et les organismes culturels situés dans les pays et les communautés d’origine. Il convient d’explorer les possibilités de développer des partenariats avec les pays ou les régions ayant perdu une part importante de leur patrimoine (6.1. Coopération) ;
  • Les musées doivent être disposés à engager le dialogue en vue du retour de biens culturels vers un pays ou un peuple d’origine. Cette démarche, outre son caractère impartial, doit être fondée sur des principes scientifiques, professionnels et humanitaires, ainsi que sur la législation locale, nationale et internationale applicable, de préférence à des actions à un niveau gouvernemental ou politique (6. 2. Retour des biens culturels) ;
  • Si une nation ou une communauté d’origine demande la restitution d’un objet ou spécimen qui s’avère avoir été exporté ou transféré en violation des principes des conventions internationales et nationales, et qu’il s’avère faire partie du patrimoine culturel ou naturel de ce pays ou de cette communauté, le musée concerné doit, s’il en a la possibilité légale, prendre rapidement les mesures nécessaires pour favoriser son retour (6. 3. Restitution de biens culturels) ;
  • Les musées doivent s’abstenir d’acheter ou d’acquérir des biens culturels provenant de territoires occupés, et respecter rigoureusement les lois et conventions qui régissent l’importation, l’exportation et le transfert de biens culturels ou naturels (6.4. Biens culturels provenant d’un pays occupé).

2.2.4 Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, 2007

La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) a été adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU le jeudi 13 septembre 2007. La Déclaration est aujourd'hui l'instrument international le plus complet sur les droits des peuples autochtones, même si elle reste une loi non contraignante. Elle établit cependant un cadre universel de normes minimales pour la survie, la dignité et le bien-être des peuples autochtones du monde et elle développe les normes existantes en matière de droits de l'homme et de libertés fondamentales telles qu'elles s'appliquent à la situation spécifique des peuples autochtones.

Son article 11 évoque la possibilité d'une restitution pour permettre aux peuples autochtones de faire l'expérience de leurs droits à la culture :

  • Les peuples autochtones ont le droit d’observer et de revivifier leurs traditions culturelles et leurs coutumes. Ils ont notamment le droit de conserver, de protéger et de développer les manifestations passées, présentes et futures de leur culture, telles que les sites archéologiques et historiques, l’artisanat, les dessins et modèles, les rites, les techniques, les arts visuels et du spectacle et la littérature ;
  • Les États doivent accorder réparation par le biais de mécanismes efficaces — qui peuvent comprendre la restitution — mis au point en concertation avec les peuples autochtones, en ce qui concerne les biens culturels, intellectuels, religieux et spirituels qui leur ont été pris sans leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, ou en violation de leurs lois, traditions et coutumes.

Son article 12 évoque le droit d'accès et/ou de rapatriement des objets cérémoniels et des restes humains :

  • Les peuples autochtones ont le droit de manifester, de pratiquer, de promouvoir et d’enseigner leurs traditions, coutumes et rites religieux et spirituels ; le droit d’entretenir et de protéger leurs sites religieux et culturels et d’y avoir accès en privé ; le droit d’utiliser leurs objets rituels et d’en disposer ; et le droit au rapatriement de leurs restes humains ;
  • Les États veillent à permettre l’accès aux objets de culte et aux restes humains en leur possession et/ou leur rapatriement, par le biais de mécanismes justes, transparents et efficaces mis au point en concertation avec les peuples autochtones concernés.

Son article 28 évoque un droit à l'indemnisation pour les biens acquis illicitement :

  • Les peuples autochtones ont droit à réparation, par le biais, notamment, de la restitution ou, lorsque cela n’est pas possible, d’une indemnisation juste, correcte et équitable pour les terres, territoires et ressources qu’ils possédaient traditionnellement ou occupaient ou utilisaient et qui ont été confisqués, pris, occupés, exploités ou dégradés sans leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause ;
  • Sauf si les peuples concernés en décident librement d’une autre façon, l’indemnisation se fait sous forme de terres, de territoires et de ressources équivalents par leur qualité, leur étendue et leur régime juridique, ou d’une indemnité pécuniaire ou de toute autre réparation appropriée.

Les effets de la DNUDPA sur les perspectives des groupes autochtones en matière de récupération des restes humains et des objets funéraires ne sont pas toujours faciles à mesurer. Mais l'acceptation générale de la déclaration a changé l'atmosphère en faveur des groupes autochtones. Les mesures juridiques et les programmes de soutien dans les colonies de peuplement comme les États-Unis, le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et l'Afrique du Sud, qui aident les populations autochtones de ces pays à rapatrier ce qui leur a été enlevé, sont au moins aussi importants. Ils soutiennent par exemple les Maoris de Nouvelle-Zélande dans leur quête pour récupérer deux têtes maories tatouées qui se trouvent aux Musées Royaux d'Art et d'Histoire à Bruxelles.

L'approche de ces peuples autochtones, y compris leurs organisations de plus en plus fortes, peut contribuer à inspirer des recommandations et des pratiques pour la restitution des collections coloniales.

En 2020, un rapport a été publié sur ces questions : "Rapatriement des objets cérémoniels, des restes humains et du patrimoine culturel immatériel en vertu de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones" (https://undocs.org/fr/A/HRC/45/35).

2.2.5 La Déclaration d'Abuja, 1993

La Déclaration d'Abuja fait référence à la première conférence panafricaine sur les réparations qui s'est tenue à Abuja, au Nigeria, du 27 au 29 avril 1993. Elle traite des questions de réparations en relation avec les dommages causés à l'Afrique et à sa diaspora par l'esclavage, la colonisation et le néocolonialisme. Elle affirme que les dommages subis par les peuples africains ne sont pas une "chose du passé" mais se manifestent dans les vies endommagées des Africains contemporains. La Déclaration appelle les personnes en possession d'objets et autres trésors pillés et volés à les restituer à leurs propriétaires africains légitimes.

2.2.6 Charte de la Renaissance Culturelle Africaine, 2006

La Charte de la Renaissance Culturelle Africainea> est un outil développé pour donner aux États membres africains les moyens de promouvoir le panafricanisme, le renouveau culturel et l'identité, ainsi que de renforcer leurs politiques nationales et autres instruments culturels, ce qui contribuera à la réalisation de l'intégration socio-économique et culturelle du continent, à la construction d'une paix durable et à la lutte contre la pauvreté.

La Charte a été approuvée par la première conférence des ministres de la culture de l'Union africaine qui s'est tenue à Nairobi du 10 au 14 décembre 2005 et adoptée par la 6e session ordinaire de l'Assemblée de l'Union africaine qui s'est tenue à Khartoum, au Soudan, le 24 janvier 2006.

Plus précisément, les articles 23, 24 et 25 traitent de la protection du patrimoine culturel africain :

Article 23 : Les États africains devront prendre les dispositions nécessaires pour mettre fin au pillage des biens culturels africains et obtenir que ces biens culturels, dont l'Afrique a été spoliée, lui soient restitués ;

Article 24 : Les États africains devront prendre des mesures pour que les archives et autres œuvres historiques dont l'Afrique a été spoliée soient restitués aux gouvernements africains afin qu'ils puissent disposer d'archives complètes concernant l'histoire de leurs pays ;

Article 25 : Les États africains concernés devront s’engager à mettre en place des structures viables d’accueil, de conservation et de promotion des œuvres historiques et des archives restituées.

2.2.7 NAGPRA, 1990

La loi étatsunienne sur la protection et le rapatriement des sépultures amérindiennes (NAGPRAa>), adoptée le 16/11/1990, vise à résoudre la situation des biens culturels et des restes humains amérindiens sous le contrôle des agences fédérales des USA et des institutions étatsuniennes qui reçoivent des fonds fédéraux, ainsi que la propriété ou le contrôle des biens culturels et des restes humains découverts sur des terres fédérales ou tribales après le 16/11/1990. La loi et les règlements décrivent les droits et les responsabilités des descendants en ligne, des tribus indiennes (y compris les villages amérindiens de l'Alaska), des organisations amérindiennes hawaïennes, des agences fédérales et des musées en vertu de la loi, et fournissent des procédures pour se conformer à la loi NAGPRA. En fonction de la catégorie du bien culturel en question et de son affiliation culturelle, la loi NAGPRA fournit aux descendants en ligne (qu'ils soient ou non amérindiens), aux tribus indiennes et aux organisations amérindiennes hawaïennes (NHO) un processus pour leur transférer les biens culturels.

La loi NAGPRA a donné lieu à un nombre important de rapatriements de restes humains et d'objets rituels. Aux États-Unis, une législation est en cours d'élaboration pour aider les Premières nations à réclamer des possesseurs à l'étranger.

En même temps, il reste beaucoup à faire. Certaines Premières Nations se sont mieux équipées que d'autres pour présenter des demandes. Certains musées américains sont plus disposés que d'autres à envisager des rapatriements. Bien que la loi NAGPRA ait déplacé la charge de la preuve vers les musées, de nombreux musées se plaignent du manque de personnel et de fonds pour effectuer des recherches de provenance décentes. Les Premières Nations se plaignent qu'il leur incombe trop souvent de fournir des documents attestant de leurs droits sur les objets sacrés détenus dans les musées.

Les outils juridiques ou réglementaires décrits ici s'inscrivent dans un cadre plus large que les structures juridiques existantes évoquées au point 2.1. Dans cette section, les instruments sont soit institutionnels (CIPRBC), soit soft law, c'est-à-dire juridiquement non contraignants (Conférence de Washington, Code de Déontologie de l'ICOM, DNUDPA), soit non applicables en Belgique (Déclaration d'Abuja, Charte de la renaissance culturelle africaine, NAGPRA). Ils sont cependant pertinents, car ils offrent un ensemble de mesures utiles pour faire avancer les discussions sur la restitution des collections coloniales et ils ouvrent la voie à la reconnaissance d'un droit de l'homme au patrimoine culturel et à l'élaboration d'un cadre juridique spécifique pour le retour des collections coloniales.

2.3 Pour un nouveau cadre juridique

Bien que le cadre juridique existant ne soit pas favorable aux propriétaires originaux des objets des collections coloniales, il existe des possibilités de changement. En effet, le droit devrait essayer d'être en phase avec les enjeux sociaux et éthiques de son temps, reflétant les demandes d'équité et de réconciliation avec le passé qui trouvent de plus en plus d'écho dans la société. Un devoir moral de restitution du patrimoine colonial émerge, nous invitant à dépasser les limites du cadre juridique existant afin de faire entendre une responsabilité éthique dans le droit.

Cela a déjà été le cas lorsque les principes de prescription acquisitive et d'acquisition de bonne foi ont été contournés afin de pouvoir restituer des œuvres d'art ou d'autres biens pillés pendant la Seconde Guerre mondiale, notamment par l'élaboration par 44 pays des Principes de la Conférence de Washington sur les œuvres d'art volées par les nazis, 1998 (voir 2.2.2 ). De même, les règles européennes contre le commerce illicite contiennent des mesures obligeant l'acquéreur à prouver sa diligence, renversant ainsi la présomption de bonne foi.

Plus fondamentalement, le devoir moral de restitution du patrimoine culturel reposerait sur la reconnaissance du droit des personnes (individus et groupes) au patrimoine culturel (2.3.1). Le droit au patrimoine culturel et le devoir moral de restitution du patrimoine colonial appellent un cadre juridique spécifique afin de mieux traiter le retour des collections coloniales dans leur pays d'origine (2.3.2).

2.3.1 Droits humains et patrimoine culturel : la reconnaissance d'un droit fondamental au patrimoine culturel ouvre le débat sur le retour des collections

Outre le panel des règles internationales applicables à la protection du patrimoine en temps de guerre (conventions sur les droits humains) et à la lutte contre le trafic de biens culturels, ainsi qu'aux règles européennes régissant l'importation et l'exportation de biens culturels en dehors de l'UE et leur retour au sein de l'UE, s'ajoute la dimension des droits fondamentaux de la protection du patrimoine culturel.

Après tout, le droit au patrimoine culturel s'est développé lentement, tant au niveau international qu'européen. Bien que des "droits au patrimoine" aient longtemps été absents dans les sources du droit international des droits humains, ils sont apparus dans le contexte de la reconnaissance des identités culturelles et du contexte particulier des minorités et des peuples autochtones, et ont récemment été consacrés comme un droit fondamental sous la forme d'un "droit au patrimoine culturel". Ce droit fondamental au patrimoine est considéré comme faisant partie des droits culturels.

Le droit au patrimoine culturel a été explicitement reconnu pour la première fois dans la Déclaration de Stockholm de l'ICOMOS du 11/09/1998 comme faisant partie des droits humains, mais cette dernière ne contient aucune mesure contraignante. Ce n'est qu'en 2005 que la Convention cadre du Conseil de l'Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société (la Convention de Faro) a confirmé le droit fondamental au patrimoine culturel. La Convention de Faro a changé notre façon de concevoir la protection du patrimoine à bien des égards, notamment la définition du patrimoine et la communauté patrimoniale. La Convention énonce aussi clairement le droit au patrimoine culturel : "toute personne, seule ou en commun, a le droit de bénéficier du patrimoine culturel et de contribuer à son enrichissement ". Elle y attache la responsabilité de tous les individus de respecter le patrimoine culturel des autres, le leur et le patrimoine commun de l'Europe. En outre, son titulaire est toute personne qui exerce son droit, individuellement ou collectivement.

L'influence des droits humains est clairement perceptible. Il s'agit de " placer la personne et les valeurs humaines au centre d’un concept élargi et transversal du patrimoine culturel" (préambule de la Convention de Faro). Il ne s'agit plus seulement d'une question de droit du patrimoine culturel, mais aussi du droit au patrimoine culturel en tant que "droit inhérent de participer à la vie culturelle".

Le droit au patrimoine culturel est en outre énoncé à l'article 23, 4° de la Constitution belge, qui garantit "le droit à un environnement sain", ainsi qu'à l'article 23, 5° de la Constitution, qui énonce "le droit à l’épanouissement culturel".

Le retour des biens culturels coloniaux à leur pays d'origine répond non seulement à une exigence éthique de réconciliation, mais constitue également une question juridique fondamentale, dans la mesure où ce retour permet l'accès des peuples et des communautés d'origine à leur patrimoine.

2.3.2 Un cadre juridique spécifique

L'appartenance des biens culturels au domaine public est souvent considérée, à tort, comme un obstacle à la restitution. En dépit de la perception populaire, il suffit que le propriétaire public décide, sans qu'une loi soit nécessaire, de retirer le bien culturel du domaine public, de le faire entrer dans le domaine privé et d'en disposer librement, notamment en vue de son retour dans son pays d'origine. Les collections publiques du domaine public pouvant être désaffectées par leur propriétaire, le retour volontaire peut toujours avoir lieu dans le respect des règles de désaffectation des objets du domaine public.

Avec l'adoption du nouveau Code civil, l'article 3.45 a tenté pour la première fois de définir le domaine public : "La propriété publique appartient au domaine privé, à moins qu'elle ne soit affectée au domaine public". Selon une définition fonctionnelle établie par la jurisprudence et la doctrine, les biens affectés à l'usage de tous ou affectés au service public appartiennent au domaine public.

L’affectation d'un bien à l'usage de tous ou au service public doit, en général, être explicite, car il signifie que le bien est soumis à un régime juridique particulier destiné à assurer l'usage public du bien en question ou à assurer son affectation à un service public pour lequel il est spécialement équipé. En outre, pour être opérationnelle, elle doit être mise en œuvre par des actes concrets d'accès au domaine public.

Le critère d'affectation place en effet le pouvoir de décision entre les mains de l'administration propriétaire du bien. Celle-ci ne décide qu'unilatéralement, par le biais d'un acte administratif, quels biens entreront ou non dans le domaine public. La même prérogative s'applique à la décision de retirer un bien du domaine public, de le faire sortir du domaine public et de le rendre aliénable, libre d'en disposer.

En même temps, il est clair que le domaine public constitue un obstacle relatif au retour des biens culturels. Il suffit que le propriétaire public décide lui-même, sans qu'une loi soit nécessaire, de faire sortir le bien culturel du domaine public, de le faire entrer dans le domaine privé et d'en disposer librement, notamment en vue de son retour dans son pays d'origine. Les biens culturels exposés dans les musées fédéraux font donc partie du domaine public fédéral et relèvent de la compétence des autorités fédérales pour décider de leur éventuelle désaffectation en vue de leur retour. Il en va de même pour les collections de la Communauté flamande ou francophone, qui peut donc décider d'en restituer une partie si nécessaire. Par ailleurs, la décision d'aliéner certains objets des collections de biens culturels qui font partie du domaine public communal, comme celles du MAS d'Anvers ou du Musée d'Ixelles, appartient au propriétaire communal.

En d'autres termes, l'appel à un cadre juridique, souvent désigné comme une condition sine qua non pour entamer une procédure de restitution, est plus une excuse qu'une véritable raison juridique. Cependant, cet appel n'est pas fait non plus en vain. Lorsqu'il est dit que la décision de désaffectation dépend uniquement du propriétaire du bien du domaine public, et ne devrait donc pas passer par le Parlement, cela ne signifie pas qu'il ne semble pas souhaitable nécessaire de légiférer dans des situations de ce type.

Par conséquent, suite à la reconnaissance d'un devoir moral de restitution du patrimoine colonial et au regard du droit fondamental au patrimoine culturel, il semble intéressant de prévoir un cadre juridique spécifique pour la restitution des objets coloniaux situés sur le territoire belge et qui ne relèvent pas du champ temporel des règles nationales, européennes ou internationales. Un tel cadre juridique apporterait plus de clarté et de prévisibilité à une éventuelle procédure de retour. Il offrirait également un cadre rassurant pour le propriétaire public afin de ne pas faire peser sur lui toute la responsabilité d'une telle décision. A cet égard, la reconnaissance d'un droit individuel et collectif au patrimoine culturel ajouterait une dimension fondamentale au contexte du retour des collections, fondée sur la dignité de chaque membre de la société, y compris les communautés patrimoniales.

Une proposition académique pour un tel cadre juridique vient d'être publié, en français et en néerlandais, par Marie-Sophie de Clippele et Bert Demarsin.5 Le cadre juridique vise à résoudre les cas par une procédure diplomatique bien réglementée, par l'établissement d'accords bilatéraux. L'objectif est de permettre à l'autorité publique compétente de restituer des biens culturels si nécessaire, suite à une demande à cet effet par un État étranger, éventuellement initiée par une demande des communautés d'origine (bien que bénéficiant d'un soutien officiel) ou proactivement par l'autorité publique belge. La conclusion d'un accord bilatéral permet une approche flexible, propre à chaque cas (un accord limité à une simple restitution ou un accord de grande envergure, comprenant une série de mesures d'échanges culturels et d'enrichissement mutuel, en vue d'établir une nouvelle éthique des relations entre partenaires égaux à l'égard de ce patrimoine colonial) et semble répondre à la volonté de penser le retour de manière plus globale.

Le texte proposé concerne les collections publiques liées au contexte colonial. Cette limitation au patrimoine mobilier public est justifiée par des considérations relatives au respect de la propriété privée, protégée par l'article 16 de la Constitution et l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits humains. Toutefois, il serait intéressant de considérer la question des biens culturels mobiliers privés à la lumière des procédures prévues pour la spoliation des biens privés juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Par ailleurs, la question des restes humains dans ce champ d'application mérite une attention particulière.

Afin de rendre le texte le plus opérationnel possible sur l'ensemble du territoire, il serait également souhaitable de conclure un accord de coopération entre les entités compétentes (Etat fédéral, Communautés et Région de Bruxelles-Capitale pour le patrimoine mobilier, voire les Régions dans le cas de compétences connexes). A cet égard, la plate-forme administrative "Importation, exportation et restitution de biens culturels" mise en place à l'occasion de la ratification de la Convention de l'UNESCO de 1970 pourrait servir de support.

3. Demandes de restitution

Les institutions détenant des collections coloniales ont un rôle important à jouer pour répondre aux contextes passés et présents d'inégalité structurelle. Les processus de réconciliation requis doivent être larges afin d'atténuer l'impact des dommages culturels et sociétaux causés par les idéologies et les actions coloniales. Pour ce faire, il est nécessaire que ces institutions s'engagent à traiter les demandes de restitution de manière transparente, sensible et opportune. Cette section examine plusieurs exemples de la manière dont les débats et les demandes de restitution concernant les collections coloniales ont émergé en Belgique dans le passé (3.1) avant de fournir des recommandations sur la manière dont les institutions peuvent soutenir des approches plus équitables à l'avenir (3.2).

Cette section des recommandations ne cherche pas à fournir une solution unique pour la restitution, mais plutôt à fournir les outils, les informations et les approches nécessaires pour créer un environnement plus accueillant pour les discussions autour de la restitution, un environnement qui évite une distribution inégale de l'autorité d'une part et de la charge de la preuve d'autre part.

3.1 Historique des débats et des demandes de restitution

La demande de la Nouvelle-Zélande pour les restes des Maoris :

Une demande de rapatriement de Toi Moko, têtes maories tatouées, a été adressée aux Musées d'Arts et d'Histoire à Bruxelles en 2008. Cette demande s'inscrivait dans le cadre d'une campagne officielle de rapatriement lancée en 2003 par la Nouvelle-Zélande, à laquelle trois partenaires ont collaboré : le gouvernement, le musée Te Papa et les communautés maories et morioris. À la fin de l'année 2020, plus de 600 restes ancestraux avaient été restitués, dont des Toi Moko. Parmi eux, 420 provenaient de l'étranger. Les Musées Royaux d'Art et d'Histoire étant un établissement scientifique fédéral, une décision concernant cette demande doit être donc prise par son autorité de tutelle, soit le secrétariat d'État à la Politique Scientifique et par extension l'État fédéral. Pour l'instant, la Belgique n'a pas encore répondu officiellement à cette demande.

Discussions congo-belges:

On connaît au moins un exemple de demande congolaise de restitution d'objets juste après leur pillage, à savoir la statue de Ne Kuko de la région de Boma, emportée par la force par Alexandre Delcommune en 1878. Les dirigeants locaux actuels ont également manifesté une volonté claire de la récupérer (voir Couttenier dans les lectures recommandées).

Il y avait également eu une demande de restitution des collections du musée de Tervuren au moment de l'indépendance congolaise en 1960. La comparaison était faite avec les ressources économiques : si leur restitution devait assurer la souveraineté économique, alors le transfert des collections du musée de Tervuren pouvait aider la nouvelle nation à atteindre la souveraineté culturelle. Le bâtiment du musée lui-même a fait l'objet de discussions : après tout, il avait été construit grâce aux revenus de la colonie. Si la question a été reléguée au second plan pendant l'instabilité politique du début des années 1960, elle est redevenue d'actualité avec l'exposition Art of the Congo de 1967, constituée à partir de la collection de Tervuren, qui a fait le tour de plusieurs musées prestigieux d'Amérique du Nord. La capacité des Belges à représenter encore les cultures congolaises sur le plan international était une épine dans le pied du pouvoir congolais, désormais aux mains de Mobutu. La demande de restitution des deux cents objets de l'exposition ne se fait donc pas attendre. Il s'ensuit de nombreuses années de va-et-vient, au cours desquelles la Belgique et le Zaïre collaborent à la création de l'Institut des musées nationaux à Kinshasa. La situation s'est améliorée lorsque le Zaïre a abandonné le terme de "restitution" et s'est réconcilié avec le "don" d'objets en 1976, terme préféré des Belges. Entre 1976 et 1982, il a été convenu de restituer 114 objets des réserves du musée de Tervuren (qui contiennent environ 125 000 objets) au musée de Kinshasa. Il va sans dire qu'un "don" de pièces a une signification très différente de celle d'une "restitution" ou d'un retour. La "restitution" fait référence à la culpabilité : la rectification d'une erreur passée. Le terme "don", en revanche, souligne la générosité et la nature non contraignante du donateur et implique l'attente d'un remerciement. Le transfert a donc pris une signification fondamentalement différente. Il était dorénavant sous- entendu que Tervuren ne restituait pas un patrimoine contesté, mais que Kinshasa devait être reconnaissante pour les 114 pièces que la Belgique avait volontairement restituées et dans le cadre d'une collaboration interculturelle (voir Mumbembele ; Van Beurden ; Wastiau dans les lectures recommandées). Cette histoire illustre l'importance des mots, et en particulier l'utilisation du terme "restitution" plutôt que "retour" ou "rapatriement", dans les débats actuels en Belgique.

Archives du Congo:

La Belgique a emporté des parties importantes des archives du Congo à la veille de l'indépendance, avec l'intention de restituer la partie administrative de ces archives (par opposition aux "documents de souveraineté", qui concernent les principaux processus décisionnels du gouvernement) une fois qu'un tri approprié aurait été effectué et que des possibilités de conservation correctes seraient disponible à Kinshasa. On craignait que certains de ces documents ne soient utilisés pour soutenir des réclamations financières des Congolais contre la Belgique ou ne causent des problèmes à certaines sociétés commerciales. Ce retour n'a jamais eu lieu (voir Piret dans les lectures recommandées).

Archives du Rwanda:

  • Une demande récente du directeur de l'Office rwandais des mines, du pétrole et du gaz pour le rapatriement numérique des archives géologiques et minières pertinentes conservées au MRAC a été effectuée avec le soutien financier de l'Aide au Développement belge ;
  • Un deuxième accord avec le Rwanda concernant un projet de rapatriement numérique à grande échelle (2019-2023) d'archives coloniales est actuellement en cours, à la demande des autorités rwandaises. Il s'agit notamment d'archives conservées aux Archives du Royaume, aux archives du ministère des Affaires étrangères et au musée de Tervuren. Le financement du projet provient de l'Aide au Développement belge, de l'AfricaMuseum et du Rwanda.

3.2 Restitution: Qui, quoi, et comment ? Quelques recommandations.

Qui?

Toutes les communautés d'origine devraient avoir le pouvoir d'engager des demandes de restitution. Cela implique que les parties requérantes peuvent inclure des États-nations, des groupes régionaux ou culturels, des descendants individuels de personnes ayant élaboré les objets en question, ou leurs propriétaires.

Il est important de noter que la communauté d'origine ne coïncide pas nécessairement avec un pays d'origine. Les frontières et les groupes se déplacent avec le temps et il existe des cas où plusieurs États-nations ont effectué des revendications légales sur le même objet, par exemple dans le cas du Bénin et du Nigeria. En outre, il existe des cas où des individus ou des groupes ont des revendications fortes sur des collections, indépendamment de toute demande qui pourrait être faite par une autorité étatique. Dans le cas de collections obtenues par le colonialisme de peuplement, ces revendications peuvent même se produire à l'intérieur des frontières d'un État- nation (voir van Beurden, Adams et Catteeuw dans les lectures recommandées). Cela ajoute une couche de complexité car les communautés ne sont pas toujours reconnues comme des entités juridiques distinctes dans les conventions existantes sur le patrimoine. Dans ces cas, des individus peuvent être désignés comme représentants du groupe dans le contexte juridique, mais cela ouvre le processus à des revendications concurrentes potentielles.

Ces défis montrent pourquoi il est si important que la restitution ne soit pas considérée comme un événement singulier dans lequel le musée agit en tant qu'arbitre de l'authenticité, mais plutôt comme une partie d'un processus plus large de décolonisation qui comprend une communication proactive sur le contenu de la collection, une culture de relations à long terme avec les communautés et un développement plus large de cadres juridiques qui tiennent compte de l'agence des diverses communautés et fournissent une voie plus claire pour le règlement des différends.

Quoi?

Par définition, les objets appartenant aux collections coloniales ont été acquis dans un contexte de profonde inégalité structurelle, limitant les possibilités d'action individuelle et collective lorsque les objets changent de mains. Aujourd'hui, l'héritage des confrontations coloniales continue de définir les conditions dans lesquelles la propriété des collections peut être transférée entre l'ancien colonisateur et l'ancien colonisé. Afin d'œuvrer à la décolonisation, les institutions patrimoniales doivent être prêtes à renoncer aux gains obtenus grâce à ces relations inégales.

Afin d'éviter de créer un cadre qui maintient la centralité de l'ancien colonisateur en tant que détenteur de l'autorité et du pouvoir, il est nécessaire que les institutions chargées du patrimoine intéragissent directement avec les communautés et les pays d'origine sur les priorités de ces derniers en matière de restitution.

Si ces échanges peuvent amener une institution à travailler de manière proactive au rapatriement de certaines collections, cela n'implique pas que d'autres collections ne puissent pas également faire l'objet de demandes. Les musées ne peuvent pas agir en tant qu'arbitres de ce que les communautés d'origine devraient valoriser, et ils ne peuvent donc pas fixer de limites à ce qui peut faire l'objet d'une demande de rapatriement. Comme indiqué dans la section 1, les types de collections qui pourraient faire l'objet d'un rapatriement varient en fonction de leur fabrication, de leur fonction et du contexte de leur translocation. Chaque demande doit être traitée avec le même degré de sensibilité et de diligence.

La question des restes humains mérite une attention particulière. La réhumanisation de ces restes permet d'établir les liens et le dialogue avec les communautés d'origine, les descendants et les pays sources. Ces deux éléments sont des parties essentielles du processus de rapatriement (voir Rassool dans les lectures recommandées).

Comment ?

  • Approche de la provenance : au travers de la recherche en provenance et un cadre juridique adapté (voir la section 2 pour une proposition juridique détaillée). Notre définition de la provenance dans ce contexte est large. La recherche historique ne peut souvent pas fournir de preuve irréfutable en ce qui concerne le déplacement des objets, mais doit s'appuyer sur des informations indirectes basées sur une combinaison de sources afin de déterminer une hypothèse raisonnable d'origine (voir la section 4.2).
  • Approche éthique ou pratique : le retour peut être demandé ou suggéré sur la base d'arguments éthiques ou pratiques si, en dehors d'informations circonstanciées générales, la provenance spécifique ne peut être déterminée. Il peut s'agir de la valeur symbolique spécifique ou de la mémoire d'une collection ou d'un objet, du fait qu'ils pourraient compléter ou combler des lacunes dans des collections existantes, de leur impact potentiel dans des projets éducatifs ou des expositions locales, de l'absence d'un type spécifique d'objet dans ses communautés d'origine, etc.

Ces deux approches doivent faire l'objet d'une double attitude, à la fois proactive (prise de contact avec les institutions et les détenteurs de collections belges) et réactive (réceptive aux demandes initiées à l'étranger).

Par ailleurs, une attitude proactive de communication et du partage des données autour des collections coloniales est essentielle pour redresser la charge de la preuve disproportionnée qui pèse sur le demandeur dans le processus de restitution. Des forums de discussion devraient être développés, encourageant les projets de co-création et une communication ouverte avec les communautés d'origine. Ces types de partenariats renforcent la confiance et la compréhension mutuelles et devraient faire partie de la mission des institutions culturelles, ce qui implique que des ressources suffisantes soient allouées à ces initiatives.

Comme indiqué dans la section 4 ci-dessous, la recherche en provenance peut en outre aider les institutions à identifier les acquisitions qui résultent d'épisodes directs de violence et de coercition commis contre des groupes colonisés. Dans ces cas, les institutions patrimoniales ont les moyens de contacter directement les communautés d'origine pour entamer des discussions. En outre, les institutions doivent garantir l'accès aux inventaires et aux données de provenance, fournissant ainsi aux communautés d'origine les ressources nécessaires pour initier des demandes de restitution.

Les institutions patrimoniales doivent également mettre en place des stratégies pour répondre rapidement aux demandes de restitution lorsqu'elles surviennent en dehors des collaborations et des discussions existantes.

Les demandes d'information sur les objets et collections sensibles doivent être classées par ordre de priorité par les institutions concernées afin de garantir une réponse rapide. Ces institutions devraient clairement expliquer à la partie intéressée les étapes administratives et éventuellement juridiques de la procédure. Les établissements possédant des collections importantes devraient idéalement disposer d'un système clair et d'une personne ou d'un service désigné pour ces communications, qui coordonnerait les demandes d'information ou de restitution et pourrait fournir aux demandeurs une feuille de route à suivre. Leurs efforts seraient soutenus par la création d'un institut transnational indépendant et interdisciplinaire de recherche en provenance, comme recommandé ci-dessous.

Outre la restitution physique, d'autres formes de reconnaissance et de réparation peuvent être proposées dans le cadre de discussions équitables entre les parties. Par exemple, un transfert du titre de propriété a lieu, mais l'objet reste en place en échange d'un droit de prêt pour l'exposition, la reproduction, etc.

Nous recommandons que le processus de restitution se déroule au travers :

  • d'une commission consultative indépendante pour les demandes de restitution et de provenance. Cette commission devrait être inclusive et composée de représentants de musées belges et non belges, d'universitaires et de représentants des communautés d'origine.
  • d'un institut de recherche en provenance, indépendant et interdisciplinaire, composé de membres belges et internationaux. L'institut fonctionnerait comme un point d'information central pour les demandes concernant les collections coloniales, les informations sur la provenance et les procédures de restitution. La création d'un tel institut peut contribuer à alléger la charge de travail et les contraintes budgétaires et temporelles des institutions individuelles, tout en aidant concrètement les communautés d'origine en créant des conditions plus favorables aux revendications.

Dans le cas de collections privées, la restitution volontaire est possible si l'objet n'est pas soumis à l'exception des classement de type "topstukken" pour la Flandres ou "trésors" pour la Fédération Wallonie-Bruxelles (voir section 2) ; si c'est le cas, une procédure judiciaire est nécessaire. Les cas qui ne sont pas résolus peuvent être soumis à la médiation ICOM-OMPI pour l'art et le patrimoine culturel.

Pour une discussion des procédures juridiques entourant la restitution et la proposition de cadre législatif élaborée par Marie-Sophie de Clippele et Bert Demarsin (voir section 2).

3.3 Résolutions et projets officiels et scientifiques belges récents

Sénatb> ‘Proposition de résolution concernant l’optimisation de la coopération entre l’autorité fédérale et les entités fédérées en matière de biens culturels et patrimoniaux africains’, (février 2019).

Cette proposition demande la création d'un groupe de travail interfédéral chargé d'assurer le suivi de la création et de la numérisation d'un inventaire des collections coloniales des musées, d'encourager la recherche en provenance et de prendre des mesures concrètes et des initiatives de coopération en ce qui concerne le retour des biens culturels en Afrique.

Assemblée de la Commission Communautaire FrançaiseRésolution concernant la restitution de restes humaines et bien culturels issues de la période colonial’, (mars 2019).
Cette résolution demande également la création d'un comité d'experts aux niveaux fédéral et communautaire, chargé d'examiner le passé colonial et la diffusion (ou le manque de diffusion) des connaissances sur ce passé, ainsi que la question de la restitution. La résolution souligne également la nécessité d'un inventaire centralisé des objets et des restes humains coloniaux, d'une compréhension ou d'une définition plus claire de ce que signifie "bien mal acquis", du développement de voies et de formes de restitution et d'autres formes de décolonisation.

Résolution du Parlement de la Région de Bruxelles Capitale relative aux biens culturels et patrimoniaux africains et la restitution des restes humains (avril 2019).
Cette résolution concerne les collections et les restes humains sur le territoire de la RBC et dont elle a la compétence. Elle demande, entre autres, la création d'un groupe de travail interdisciplinaire et d'une conférence internationale sur le sujet et appelle à des initiatives coordonnées autour des archives coloniales ainsi qu'à une action au niveau européen. La résolution reconnaît la nécessité d'un retour rapide des restes humains, d'une meilleure compréhension générale du passé colonial et d'une prise en compte de celui-ci. (Voir Zian dans les lectures recommandées).

Directives du Musée Royale de l'Afrique Centrale (janvier 2020).
Le MRAC a élaboré un document présentant sa position actuelle en matière de restitution dans lequel il reconnaît "qu'il n'est pas normal qu'une partie aussi importante du patrimoine culturel africain se trouve en Occident, alors que les pays d'origine en sont en fait les propriétaires moraux. Le MRAC reconnaît également que certaines de ses collections ont été acquises pendant la période coloniale dans le cadre d'une politique d'inégalité juridique." Il désigne le-la Secrétaire d'État à la Politique Scientifique et le parlement comme les seules autorités capables d'autoriser un retour d'objets. Dans le cas d'une demande formelle de restitution (de la part d'un État), le MRAC étudiera l'historique d'acquisition du ou des objets en question.

Projets scientifiques liés à la restitution

HOME : Human Remains Origin(s) Multidisciplinary Evaluation (Semal, Couttenier, de Broux, Delvaux Desmyter, Louryan) (programme BRAIN 2.0, financement BELSPO - Office pour la Politique Scientifique Belge) (2020-2024).
Ce projet interdisciplinaire a été créé en réponse au manque de connaissances sur les restes humains dans les collections d'un certain nombre d'institutions scientifiques belges, dont une partie est d'origine rwandaise, burundaise ou congolaise et a été enlevée pendant la période coloniale. Le projet a été financé par le pilier 2 de BRAIN 2.0 "Science du patrimoine", qui se concentre sur la recherche en provenance. Les contextes historique, juridique, éthique et autres des restes humains seront étudiés, ainsi que toute demande de rapatriement existante. Des études de cas seront réalisées sur différentes collections et un inventaire des restes humains en Belgique sera dressé. L'objectif final du projet est de donner des conseils sur la meilleure façon de gérer les diverses collections de restes humains en Belgique, y compris sur la façon de répondre aux demandes de rapatriement existantes et futures. Coordonné par l'Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique (IRSNB), le projet compte parmi ses participants les Musées royaux d'Art et d'Histoire (MRAC), le Musée royal de l'Afrique centrale (MRAC), l'Institut National de Criminalistique et de Criminologie (INCC), l'Université Saint-Louis et l'Université Libre de Bruxelles (ULB). L'implication du MRAC dans ce projet comprend une collaboration étroite avec des partenaires congolais pour l'analyse de plusieurs études de cas où la recherche dans les communautés jouera un rôle important dans la découverte de l'histoire du déplacement des restes humains du Congo, et aidera à clarifier comment les communautés d'origine (quand elles peuvent être établies) pensent au rapatriement. L'un des participants à ce projet, l'ULB (où le colloque "De l'ombre à la lumière - Pour une politique de gestion des collections coloniales de restes humains dans les universités" a eu lieu en 2019) a déjà un accord avec l'Université de Lubumbashi pour le retour d'un certain nombre de restes humains de leurs collections, qui aura lieu à une date ultérieure.

AFRISURGE: Patrimoine transformateur : Politique, consolidation de la paix et restitution numérique du patrimoine culturel dans le nord-est contemporain de la RD Congo. (Vanhee, Van Bockhaven, Titeca) (programme BRAIN 2.0, financement de BELSPO, Office pour la Politique Scientifique Belge) (2020-2024).
Ce projet porte sur l'étude de l'autorité coutumière et rituelle dans le Nord-Est du Congo. Il comprend une enquête sur le rôle de la perte historique d'objets rituels et de connaissances ancestrales (due à la collecte coloniale ainsi qu'à des conflits plus récents) dans la compréhension locale de la crise actuelle. Comme l'autre projet BRAIN-be 2.0 mentionné ci-dessus, le projet "Patrimoine transformateur" comporte un aspect collaboratif important avec les institutions scientifiques congolaises, ainsi qu'avec les communautés locales.

Aux fins du présent rapport, les plans du projet concernant la restitution numérique sont pertinents. Cet élément du projet part du "principe que la connaissance de l'histoire culturelle d'une personne constitue un capital culturel qui est une source d'estime de soi et contribue à l'engagement et à la cohésion de la société". Il s'agit donc "d'explorer le potentiel de transformation des efforts visant à reconnecter les "communautés sources" historiquement dépossédées avec leur patrimoine culturel matériel". La restitution numérique sera guidée par une recherche en provenance des objets, par une évaluation des infrastructures numériques existantes dans la région et par une consultation approfondie des acteurs (locaux) afin de déterminer ce qui est souhaitable et faisable".

Traitement et retour des collections extra-européennes (octobre 2020).
Un rapport, réalisé par Yasmina Zian (avec des contributions de Marie-Sophie de Clippele) pour l'Académie Royale de Belgique sur mandat de la Fédération Wallonie Bruxelles, qui fait des recommandations concernant la gestion et la restitution potentielle d'objets non-européens dans les collections des musées de la FWB. Bien qu'il ne soit pas spécifiquement axé sur les objets et collections d'Afrique centrale, ce rapport expose le statut juridique actuel, ainsi que les réglementations internationales relatives aux collections d'art non européen en Belgique. Il souligne l'importance de la transparence et de la disponibilité publique des inventaires par le biais de projets de numérisation et contient des suggestions claires quant aux approches possibles des demandes de restitution.

4. Accessibilité de l’information

Cette section se concentre sur l'importance d'une accessibilité la plus large possible aux informations sur les collections coloniales dans le cadre du processus d'ouverture de dialogue sur leur gestion éthique. Le partage ouvert des données sur le contenu et l'histoire des collections dans un format convivial souligne la volonté d'une institution de s'attaquer aux inégalités passées et présentes, tout en fournissant aux individus, aux communautés et aux États les informations nécessaires pour mener des recherches indépendantes sur le matériel détenu par des institutions étrangères, et pour en réclamer la restitution.

Garantir l'accès à l'information implique également de faire le travail nécessaire pour que les données soient disponibles en premier lieu, c'est-à-dire créer des inventaires (4.1) et entreprendre des recherches en provenance (4.2). Pour cela, il faut que les organismes de financement réservent des ressources pour encourager et permettre de telles initiatives (4.3).

4.1 Accès aux inventaires

Le partage des inventaires de collections est essentiel à une plus grande transparence dans les discussions en cours. Les problèmes actuels liés aux inventaires sont de trois ordres. Premièrement, aucune vue d'ensemble des collections coloniales n'existe en Belgique au moment de la rédaction de ce document. Deuxièmement, au niveau institutionnel, il y a souvent un manque d'accès public aux inventaires existants du patrimoine colonial. Troisièmement, les inventaires existants sont souvent incomplets.

Le manque ou l'inégalité du financement et du soutien structurel dans le paysage des musées et du patrimoine en Belgique et dans la plupart des autres pays européens a fait que certaines institutions ont eu du mal à centraliser, mettre à jour et numériser leurs inventaires. Dans le meilleur des cas, l'accès aux inventaires est assuré par des sites web de collections intégrés ou liés au site web de l'institution ; ces sites web de collections sont le plus souvent limités dans leurs possibilités de recherche et dans leur présentation, ils nécessitent souvent un niveau considérable de connaissances informatiques et, dans la pratique, ils ne sont souvent pas adaptés à la consultation par les membres des communautés sources.

S'il existe des normes européennes pour l'enregistrement des métadonnées culturelles (Dublin Core, CIDOC, ObjectID et Spectrum par exemple), celles-ci identifient des catégories minimales et potentielles mais ne prennent pas en compte les besoins particuliers des collections coloniales. Il serait donc utile d'avoir une norme pour les inventaires en ligne qui complète ces exigences minimales avec des champs de données qui seraient particulièrement utiles pour les chercheurs en provenance (comme la méthode d'acquisition). Ces champs pourraient servir de guide au personnel impliqué dans la documentation et l'acquisition des collections, tout en jetant les bases d'un inventaire commun à toutes les institutions.

Certaines institutions ont également exprimé des inquiétudes quant au partage public d'informations privées contenues dans les documents d'acquisition. Cependant, les lois sur la protection de la vie privée telles que le RGPD (règlement général sur la protection des données) ne doivent pas être considérées comme un obstacle à l'ouverture des inventaires des collections coloniales. Il existe des moyens de permettre la recherche de provenance et le partage des données tout en respectant la vie privée des individus. Les musées et archives belges utilisent actuellement une série d'interprétations du RGPD lorsqu'il s'agit de partager des informations sur les objets et les collections. Bien que ce règlement sur la protection de la vie privée s'applique aux informations concernant les personnes vivantes, elle est évoquée dans les discussions sur les acquisitions de l'époque coloniale. Cela indique un besoin évident de recommandations sur la manière d'appliquer cette législation en termes d'accès aux informations sur les collections détenues par le public.

Les nouvelles donations devraient toujours être accompagnées de la permission de divulguer toutes les informations de provenance. Il convient également de demander la permission aux donateurs dont les collections ont été acquises avant l'entrée en vigueur du RGPD (25/05/2018) afin d'être transparent sur leurs dons dans les inventaires publics. Dans les cas où cette permission n'est pas donnée, la lacune peut être signalée dans la documentation. L'accès aux données se ferait uniquement à des fins de recherche, conformément à l'article 89 du RGPD. La transparence et le libre accès devraient être les principes directeurs dans le cadre de l'application du RGPD.

Les institutions patrimoniales doivent rendre leurs bases de données de collections accessibles sur leurs sites web et y inclure toutes les informations connues sur la provenance et l'acquisition, en plus de les fournir sous forme d'ensembles de données téléchargeables, et ne plus avoir ou protéger leur monopole sur la création d'une interface publique. Outre les données textuelles, les musées sont également encouragés à inclure les matériaux visuels contenus dans leurs inventaires dans ces ensembles de données accessibles. Dans l'intérêt de l'ouverture de ses inventaires, les frais d'accès à ces matériaux visuels devraient être supprimés lorsque les musées détiennent les droits d'auteur. Dans les cas où les droits d'auteur sont détenus par des tiers, des efforts pourraient être faits pour renégocier les conditions de ces droits. En définitive, les inventaires partagés, même incomplets, et le partage des connaissances sur le passé sont essentiels à la collaboration et au dialogue. La présentation des collections en ligne devrait être disponible dans des interfaces conviviales afin d'être adaptée à différents niveaux d'accès à Internet et de connaissances en la matière. Cela doit être fait en collaboration avec les communautés d'origine, en reconnaissant leur droit à demander la garde des collections du patrimoine numérique, et pas seulement des collections physiques.

Une plateforme centralisée d'information sur les collections coloniales et les processus de restitution devrait être développée en Belgique à l'instar de ce qui s'est fait en Allemagne. Cela permettrait d'accroître l'accessibilité de ces informations à un large public. Elle peut également promouvoir une perspective transnationale en contribuant à une communauté de pratique d'acteurs concernés comprenant des professionnels des musées, des experts du patrimoine, des universitaires, des décideurs politiques, des activistes, des communautés tant dans les pays d'origine que dans les pays qui conservent encore ce patrimoine.

Cette plateforme pourrait être gérée par l'institut indépendant et interdisciplinaire de recherche en provenance décrit ci-dessus dans la section 3. Outre la collecte d'informations sur les collections coloniales existantes, l'institut serait également en mesure de guider le développement d'inventaires de ces collections dans les institutions. De cette façon, l'institut pourrait répondre au besoin de normes de documentation particulières pour les collections coloniales et au besoin de soutien pour naviguer dans le RGPD.

Enfin, un mot d'avertissement: en se concentrant sur les inventaires, on risque de reproduire leurs limites en tant qu'outils scientifiques orientés vers l'intérieur. L'achèvement des inventaires ne doit pas servir d'excuse ni faire obstacle à des projets de collaboration axés sur les personnes, les communautés et les parcours des objets. En fait, l'élargissement des inventaires peut se faire dans le cadre de telles collaborations. En d'autres termes, les inventaires sont des instruments et non une fin en soi.

4.2 Recherche de provenance : limites et possibilités

La recherche de provenance permet de découvrir des éléments de l'histoire et des trajectoires des objets et des restes humains. Le code de déontologie des musées de l'ICOM (2017) mentionne explicitement l'obligation d'étudier la provenance des collections et des objetsb>, et l'on pourrait dire qu'il s'agit d'une partie essentielle de la mission scientifique du musée. Les pratiques existantes en matière de recherche en provenance ne vont souvent pas au-delà de la circulation des objets dans l'hémisphère nord, avec des informations sur les donateurs, les anciens propriétaires et l'historique des publications et des expositions des objets. Lorsqu'il s'agit de déterminer l'origine d'objets obtenus sur le marché de l'art, les analyses comparatives de l'histoire de l'art ont une portée tout aussi limitée, la consultation des communautés et des experts qui s'identifient aux sites ou aux régions d'origine suggérés restant rare. La pratique, déjà ancienne, consistant à accepter de bonne foi les suggestions d'origine fournies par les donateurs et les acteurs du marché plutôt que d'obtenir des documents ou des données supplémentaires, a également conduit à renforcer une provenance peu sûre, ce qui complique encore les choses.

Malgré son importance, la recherche en provenance a été jusqu'à présent limitée. Cela est dû aux contraintes financières, de temps et de personnel, ainsi qu'aux relations permanentes avec les donateurs et leurs familles.

Si une recherche en provenance étendue offre des possibilités, elle présente également des limites. Dans sa pratique actuelle, elle s'appuie massivement sur un seul type de source, à savoir les archives coloniales. Ces dernières ne sont pas des sources d'information neutres. La plupart des documents contenus dans les archives coloniales ont été produits par des agents des puissances coloniales et se rapportent directement ou indirectement à divers aspects du projet colonial. Dans certains cas, nous apprenons que des objets ont été déplacés (dans des journaux militaires ou des chroniques de missionnaires, par exemple), mais ce n'est pas toujours le cas. Même si les objets étaient à un moment donné liés à des traces écrites, beaucoup ont été déconnectés de la documentation qui les accompagnait au fur et à mesure qu'ils passaient entre différentes mains et à travers différentes géographies.

Une façon de remédier aux limites des pratiques de recherche en provenance est d'élargir la base de sources en incorporant des sources d'information orales ainsi que des sources locales provenant des contextes d'origine de ces objets. Un autre moyen est d'accorder plus de poids aux preuves indirectes ou contextuelles. Souvent, les sources ne fournissent pas une description littérale du déplacement d'un objet, mais permettent, par exemple, de relier un objet à un lieu et à une période d'un conflit militaire, créant ainsi un itinéraire général de l'objet que les chercheurs peuvent suivre.

Une recherche en provenance faite dans les règles exige une collaboration équitable avec les pays et les communautés d'origine dans lesquels cette recherche peut être effectuée en partenariat étroit. Au-delà du simple partage des inventaires (voir ci-dessus), le processus de recherche en provenance doit être inclusif. Étant donné la nature coûteuse et chronophage de la recherche en provenance, une solution consiste à donner la priorité à certaines collections ou périodes, décidées en coopération avec les pays et les communautés d'origine.

Pour des raisons éthiques et morales, une recherche de provenance exhaustive ne doit pas être posée comme condition préalable au rapatriement de restes humains datant de relations ou de contextes coloniaux, ou d'objets associés à des sites funéraires. Dans ces cas, la restitution doit être une priorité absolue, la recherche en provenance étant considérée comme une ressource supplémentaire potentielle pour développer des connaissances et des solutions partagées.

Plus qu'une voie de restitution, les résultats des recherches en provenance devraient également devenir une partie intégrante des pratiques d'exposition et d'écriture des textes explicatifs (voir section 5). Les limites de la recherche en provenance, cependant, indiquent également la nécessité de trouver d'autres voies de restitution (voir section 3).

4.3 Financement

La création d'inventaires accessibles, de plates-formes de communication ouverte et d'initiatives de recherche en provenance holistique sont des éléments urgents et nécessaires dans le cadre des efforts de décolonisation plus larges entrepris en Belgique. En tant que telle, elle doit être considérée comme nécessitant un financement prioritaire.

Les gouvernements des pays voisins ont affecté des fonds substantiels, tant structurels que par projet, à la recherche en provenance et aux programmes culturels traitant de leur passé colonial. Les gouvernements fédéraux et régionaux de Belgique devraient également réserver des fonds pour la recherche en provenance et d'autres recherches liées à la restitution et aux collections coloniales (par exemple en en faisant une priorité de financement pour les 5 à 10 prochaines années). Ce financement devrait être explicitement réservé aux propositions qui ont des équipes avec des représentations équitables de chercheurs de Belgique et du pays d'origine des objets. Les institutions patrimoniales devraient recevoir un soutien gouvernemental supplémentaire pour la réalisation et la diffusion des inventaires. Ce soutien devrait être calibré pour tenir compte de l'augmentation du travail nécessaire pour garantir la satisfaction des besoins d'accessibilité des différentes communautés de parties prenantes.

Le gouvernement belge, ainsi que les organisations interuniversitaires et muséales, devraient faire pression au niveau européen pour obtenir un financement par le biais du cadre européen pour la recherche scientifique et les activités culturelles.

Au niveau international, l'Open Society Foundation a affecté des fonds à des projets de restitution et de recherche. Les fondations belges devraient être encouragées à suivre cette voie et à octroyer des subventions pour l'inventaire, la recherche et les pratiques de restitution.

5. Musées et pratiques d’exposition

Cette section propose des directives éthiques pour l'exposition des collections coloniales. L'exposition comprend, sans s'y limiter, la présentation physique ou virtuelle d'objets du patrimoine, matériels et immatériels. "Exposer" est défini ici comme "présenter à la vue ; montrer publiquement". En plus de toutes les formes de présentation ou de représentation des pièces de collection, les bases de données en ligne, les publications et la communication du musée entrent également dans cette catégorie. En exposant, le musée permet et facilite l'accès à sa collection. Le musée est responsable de l'exécution consciencieuse de la tâche d'exposition.

Il n'existe pas de solution unique, mais quelques recommandations générales peuvent contribuer à éclairer la manière d'aborder de manière appropriée les collections coloniales dans un contexte d'exposition.

5.1 Gestion des collections et conception des expositions multidimensionnelles et inclusives

La conception actuelle d'une exposition doit s'efforcer d'être inclusive et de représenter des perspectives multiples.

La multiplicité des perspectives peut engendrer plusieurs façons également acceptables de mettre en contexte ou d'interpréter un objet. Offrir une plateforme pour l'expression de sentiments ou de souvenirs concernant un objet et son histoire d'acquisition peut compléter ou approfondir la compréhension des informations factuelles disponibles. La collaboration et la co-construction avec des représentants des communautés et des pays d'origine concernés peuvent contribuer à façonner et à affiner le récit général d'une exposition ou d'une communication, ou à contextualiser des objets spécifiques. En outre, cette coopération permet de mettre en évidence des options et des préférences d'exposition différentes mais également viables.

Il est primordial que toute collaboration et tout dialogue avec les représentants des communautés d'origine soient établis sur un pied d'égalité fondamental. En outre, il est conseillé aux parties concernées de discuter au préalable de la nature, du financement et de la durée de leur projet de collaboration et de faire preuve d'ouverture quant à leurs capacités et limites respectives ; cela permettra de créer des attentes claires et réalistes dès le départ. Ceci dit, l'ambition devrait être une collaboration structurelle à long terme.

Outre la collaboration et la co-construction avec des représentants des communautés d'origine, une approche pluridisciplinaire ou interdisciplinaire des pratiques d'interprétation au sens large présente des avantages potentiels. Les musées peuvent faire appel à des expert-e-s externes pour aider à sortir un objet d'un contexte purement ethnographique, artistique ou historique, par exemple, afin de souligner son caractère multidimensionnel.

Les musées doivent être sensible aux interprétations potentiellement contradictoires des objets. Dans certains cas, il peut également y avoir des conflits dans les exigences d'exposition. Par exemple, lorsque certains objets sont maintenus inaccessibles aux femmes, aux personnes non initiées ou aux membres de certains groupes sociaux dans leur contexte d'origine et qu'il est demandé aux musées de répondre à ces exigences (voir Kaus dans les lectures recommandées). Dans les deux cas, il est conseillé aux parties concernées de rechercher une solution par un dialogue étroit. Il serait difficile de donner une recommandation générale sur la manière de parvenir à un résultat satisfaisant. Les récits d'exposition et les options de présentation sont multiples, tout comme les solutions possibles. S'écarter des sentiers battus et explorer des pratiques de présentation non conventionnelles peut s'avérer utile (voir les lectures recommandées).

Les musées doivent s'efforcer de fournir non seulement à leurs collaborateurs mais aussi à leurs visiteurs un forum de dialogue, d'échange, de négociation et de discussion. Cela peut prendre différentes formes, des forums virtuels aux tables rondes publiques.

Les musées ne doivent pas autoriser les opinions contraires à l'éthique ou préjudiciables qui sapent l'égalité ou contredisent les faits connus, par exemple, les affirmations selon lesquelles le roi Léopold II n'était pas au courant du système brutal du "caoutchouc rouge" ou la négation du génocide des Hereros en Afrique du Sud-Ouest allemande.

5.2 Contextualisation des objets

Lorsqu'il s'agit de collections coloniales dans un contexte d'exposition, il convient d'accorder, plus encore que d'habitude, une attention particulière à l'emplacement et aux notices qui accompagnent des objets.

La juxtaposition de deux ou plusieurs objets peut être interprétée de manière à ce que ces pièces soient associées dans leur contenu ou expriment un sentiment similaire. Cela peut avoir des effets indésirables. C'est le cas lorsqu'une juxtaposition ou un classement mal adapté banalise, voire légitime, l'histoire de l'acquisition d'un objet collecté dans un contexte colonial. Un positionnement non pertinent de tels objets peut également donner l'impression que l'exposition justifie ou soutient des idées et idéologies discriminatoires. Une autre conséquence défavorable possible est la minimisation de leur importance et de leur signification. La consultation et la collaboration avec les communautés d'origine pendant la planification de l'exposition sont importantes pour éviter ce genre de problèmes. Ce processus devrait être au cœur de la réalisation de l'exposition.

L'inverse est également possible, lorsque la juxtaposition d'objets des collections coloniales avec d'autres pièces a un résultat positif et contribue à mettre en lumière leur caractère multiforme. Il en va de même pour leur placement dans une exposition qui ne traite pas de manière explicite ou unique les controverses qui les entourent. La présentation d'un objet acquis sous le régime colonial ne doit pas nécessairement se limiter à une exposition dont le thème principal est le contexte d'acquisition. Cependant, les objets devraient toujours être accompagnés d'un texte offrant des informations sur leur provenance connue.

Les éventuelles lacunes de provenance n'excluent pas nécessairement les objets de l'exposition. Cependant, il est important que les institutions indiquent clairement ces lacunes et les recherches supplémentaires nécessaires, afin de ne pas donner l'impression d'une connaissance exhaustive de leur provenance. Comme indiqué dans les Directives pour les musées allemands de l'Association des musées allemands "Guide relatif au traitement des biens de collections issus de contextes coloniaux":

Pour clarifier davantage la provenance, la participation active du public peut être utile si les visiteurs (en ligne ou dans l'exposition) ont la possibilité de fournir des informations.

Lorsque des objets provenant de collections coloniales sont exposés, un texte d'accompagnement devrait non seulement fournir des informations sur leur provenance connue, mais aussi préciser le contexte colonial dans lequel ils ont été acquis.

5.3 Expression

Il va sans dire que les mots considérés comme controversés, tels que les termes discriminatoires ou racistes, sont à éviter dans toutes les publications et textes d'exposition des musées.

Le document Words Matter: "An Unfinished Guide to Word Choices in the Cultural Sector" du Musée National des Cultures du Monde des Pays-Bas propose des alternatives utiles pour les mots considérés comme controversés. Toutefois, dans des cas exceptionnels, les termes controversés peuvent être mentionnés de manière autoréférentielle, par exemple pour illustrer à quel point les mécanismes discriminatoires et racistes étaient ancrés dans le régime colonial. Il est également conseillé de les conserver entre guillemets. Des précisions peuvent être ajoutées, par exemple dans les notes de bas de page ou entre parenthèses.

Les communautés d'origine doivent être désignées par le nom auquel elles s'identifient et tous les efforts doivent être faits pour utiliser ou ajouter les noms originaux des objets.

5.4 Sensibilisation du personnel

Les membres du personnel du musée qui servent souvent de premier point de contact pour les visiteurs ou qui sont chargés de communiquer des informations sur la collection doivent pouvoir bénéficier d'une formation pour leur permettre de s'ouvrir aux sensibilités diverses et pouvoir gérer les controverses possibles.

Le personnel des musées chargé de transmettre des informations et des connaissances sur les collections coloniales devrait recevoir une formation de sensibilisation rigoureuse sur la manière d'aborder et de communiquer la controverse entourant ces pièces.

Pour les visiteurs des musées, les gardiens, les guides et les membres du personnel des guichets sont souvent le premier point de contact. Il est important qu'ils soient sensibilisés à la manière de répondre de manière appropriée aux réactions potentielles des visiteurs liées à l'exposition des collections coloniales.

5.5 Retrait d'une présentation publique

Le musée doit traiter toute demande de retrait de présentation publique des collections coloniales avec respect et sensibilité. Cela peut se traduire par le retrait d'un objet ou reconsidérer la manière dont il est exposé.

Les demandes de retrait d'objets exposés doivent donc être évaluées dans le cadre d'un dialogue étroit avec les acteurs concernés (représentants des États et des communautés, professionnels des musées et universitaires des pays sources), en tenant compte de l'importance de l'ouverture d'esprit et de la transparence.

Les débats actuels invitent également les musées à repenser les pratiques d'exposition orientées vers les objets, en prêtant attention aux récits et aux expériences des personnes qui se cachent derrière les objets qui pourraient poser problème. Encourager l'interaction avec les objets exposés permet de faire émerger des souvenirs divergents, révélant ainsi une contextualisation et une narration plus complètes autour des objets et de leur histoire (voir Kirschenblatt-Gimblett et Frey ; Shwatal dans les lectures recommandées).

5.6 Prêts et publications externes

Comme il est précisé dans les Recommandations pour les Musées Allemands:

Dans le cas de prêts liés à une exposition [ou de l'inclusion de pièces de leur collection dans des publications externes], le musée, en plus des exigences générales, doit examiner si le concept d'exposition prévu [ou le récit de la publication] est éthique.

La responsabilité du musée ne se limite pas à ses propres expositions et publications. Les demandes de prêts doivent être évaluées avec la même distance critique, comme s'il s'agissait d'une exposition propre, ce qui inclut un examen critique des informations de provenance disponibles et une éventuelle consultation des communautés d'origine.

5.7 Restes humains

La plupart des musées ont pris la décision de ne pas exposer les restes humains, ni les photos de ceux-ci, à un large public. Les recommandations pour la prise en charge des restes humains rédigées en 2013 par un "groupe de travail sur les restes humains" de l'Association allemande des musées abordent par extension la nécessité d'une réglementation claire pour la prise en compte des restes humains dans les collections coloniales (voir lecture recommandée). Ceux-ci sont à juste titre considérés comme éthiquement problématiques pour être exposés au public. Cette partie la plus troublante des collections coloniales doit donc être traitée de toute urgence lorsqu'elle est exposée et/ou conservée dans les musées, en tenant compte des différentes catégories de restes humains. Ces catégories ont trait à leur intégrité physique (par exemple, sans modification ou en tant qu'élément d'un objet) mais sont également définies conceptuellement dans leur fonction et leur perception par le public.

Les musées doivent s'efforcer d'identifier les restes humains provenant de contextes coloniaux. Cela doit être suivi d'une recherche rigoureuse de la provenance, en dialogue étroit avec les communautés endeuillées et/ou les pays d'origine et dans le respect de ceux-ci. Les pratiques institutionnelles concernant les restes humains collectés dans des contextes coloniaux ne doivent pas se limiter à leur gestion, par exemple par le biais d'inventaires en libre accès. Si les inventaires peuvent servir d'instrument, ils ne doivent pas être considérés comme l'objectif final de la recherche de provenance. Les discussions autour de ces collections devraient plutôt porter sur l'éthique plus large et les héritages historiques du racisme "scientifique" qui a façonné ces collections. Les méthodes scientifiques actuelles et les valeurs attribuées à ces collections devraient également être évaluées de manière éthique dans cette perspective critique.

Conclusions et recommandations finales

Les conclusions et recommandations de ce rapport sont basées sur une analyse des instruments juridiques et autres instruments réglementaires existants, ainsi que sur une étude approfondie des rapports actuels traitant de la question de la restitution des collections coloniales aux niveaux international, européen et national, ainsi que des projets belges pertinents.

Conclusions

Ce rapport part du principe que les collections acquises dans des contextes coloniaux sont marquées par de profondes inégalités structurelles. Elles nécessitent donc des approches nouvelles et critiques de leur histoire et de leur situation actuelle. L'État belge et ses institutions patrimoniales doivent reconnaître le détournement et/ou le pillage du patrimoine culturel des contextes (post-) coloniaux.

Il est urgent d'établir recommandations à l'intention des décideurs politiques et des gouvernements qui soient en phase avec les enjeux sociaux et éthiques actuels, "en plaçant l'individu et les valeurs humaines au cœur d'un concept large et transversal du patrimoine culturel" (p. 32), en reconnaissant le droit individuel et collectif au patrimoine culturel et en reflétant les demandes d'équité, de réparation et de réconciliation avec le passé qui résonnent de plus en plus dans la société.

Nous plaidons pour une approche inclusive des collections coloniales, fondée sur les principes de transparence et d'égalité.

Nous recommandons aux institutions patrimoniales belges possédant des collections coloniales et aux gouvernements :

  • D'adopter une attitude proactive en développant les infrastructures juridiques et institutionnelles nécessaires ;
  • De veiller à ce que tous les processus tiennent compte des priorités des communautés et des pays d'origine ;
  • D'établir des inventaires en libre accès et partager de manière proactive les données archivistiques et autres avec les communautés et les pays d'origine ;
  • D'encourager et de systématiser la recherche collaborative en provenance, tout en reconnaissant ses limites à fournir des réponses définitives pour la totalité des collections coloniales ;
  • De créer un institut indépendant de recherche sur la provenance.
  • De développer de multiples voies de restitution qui ne reposent pas uniquement sur la recherche en provenance ;
  • De remettre en question les pratiques existantes en matière d'exposition et de gestion des collections et d'en développer de nouvelles qui tiennent compte de la multiplicité des perspectives et de l'inclusion.

Toutes ces étapes se renforcent mutuellement.

En bref, nous envisageons ces lignes directrices comme un moyen de construire des relations équitables et inclusives. La reconnaissance des torts du passé colonial et de la manière dont ce passé continue de façonner les relations entre les pays et les communautés est d'une importance capitale. Cette reconnaissance est nécessaire pour que la restitution ait lieu dans un contexte de réconciliation et de réparation.

Recommandations

Les recommandations suivantes sont présentées en fonction des principaux thèmes analysés dans ce rapport. Elles sont suivies de recommandations spéciales à l'intention des entités fédérales belges et des autres organes gouvernementaux concernés.


A. Recommandations thématiques
1. Accès, partage d'informations et recherche en provenance

La recherche de provenance dans le cadre d'un partenariat équitable avec les communautés d'origine est une exigence urgente pour les institutions patrimoniales. Il s'agit de :

Accès et transparence:

  • Créer un aperçu accessible au public et soigneusement inventorié de toutes les collections coloniales en Belgique ;
  • Assurer la disponibilité publique, en ligne, des informations selon une norme à adopter pour les inventaires des collections coloniales ;
  • Développer une plateforme centralisée d'information sur les collections coloniales et les processus de restitution ;
  • Compléter les inventaires disponibles des collections coloniales en Belgique ;
  • Inclure toutes les informations de provenance et d'acquisition connues dans les inventaires.

Recherche de provenance :

  • Développer la coopération en matière de recherche avec les communautés d'origine
  • Incorporer les sources locales provenant des contextes d'origine de ces objets, y compris des sources orales ;
  • Engager des chercheurs spécialisés dans la recherche de provenance ou inclure ce domaine dans la description de poste du conservateur ;
  • Rendre disponible les bases de données des collections des institutions patrimoniales en ligne et hors site grâce à des ensembles de données téléchargeables
  • Encourager une communication proactive sur les collections avec les communautés d'origine en créant des forums de discussions ouvertes et des relations à long terme ;
  • Créer un institut de recherche en provenance, indépendant et interdisciplinaire, avec une composition transnationale.

Le financement d'une recherche de provenance approfondie (en élargissant le champ d'application au contexte général de l'origine) devrait être considéré comme une priorité de financement au niveau national. Cela nécessite :

  • Appeler les organismes de financement à encourager et à permettre la recherche sur la provenance ;
  • Encourager les entités fédérées belges, ainsi que les organisations interuniversitaires et muséales, à faire pression au niveau européen pour obtenir un financement par le biais du cadre européen pour la recherche scientifique et les activités culturelles ;
  • Encourager les fondations belges à financer des subventions pour les inventaires, la recherche et la restitution en suivant l'exemple de l'Open Society Foundation ;
  • Demander aux institutions patrimoniales de faire pression pour créer des conditions juridiques plus favorables à la recherche sur la provenance en Belgique et un soutien plus cohérent dans toute l'UE.
2. Processus de restitution

S'engager dans des pratiques de restitution par le biais d'un engagement proactif et réactif avec les communautés et les pays d'origine doit être considéré comme faisant partie d'un processus plus large de réparation et de réconciliation. Pour garantir des pratiques de restitution éthiques, il faut:

  • Traiter chaque demande avec le même degré de sensibilité et de diligence ;
  • Englober un large éventail de participants, y compris des États-nations, des groupes régionaux ou culturels et des descendants individuels des personnes ayant façonnés les objets ou de propriétaires ne coïncidant pas nécessairement avec un pays d'origine ;
  • Penser le retour d'une manière plus globale ;
  • Encourager l'action diplomatique par l'établissement d'accords bilatéraux ;
  • Créer des accords de coopération entre les entités compétentes (Etat fédéral, Communautés et Région de Bruxelles-Capitale pour le patrimoine mobilier, voire les Régions dans le cas de compétences connexes) ;
  • Développer des cadres juridiques qui tiennent compte de l'orgnanisation des différentes communautés et qui fournissent une voie plus claire pour le règlement des différends ;
  • Établir une commission consultative indépendante pour les demandes de restitution et de provenance. Cette commission devrait être inclusive et composée de représentants de musées belges et non belges, d'universitaires et de représentants des communautés d'origine.
3. Pratique d'exposition du patrimoine

Il est urgent de repenser les stratégies d'exposition et de gestion existantes en ce qui concerne les collections coloniales. Le développement de nouvelles pratiques éthiques implique :

  • D'adopter une pratique de conception d'exposition inclusive et multi-perspective ;
  • De collaborer et de co-construire avec les communautés et les pays d'origine sur un pied d'égalité ;
  • De s'efforcer d'établir des relations à long terme avec les communautés et les pays d'origine, qui vont au-delà des projets individuels ;
  • De communiquer ouvertement sur les ressources disponibles pour les initiatives de collaboration et reconnaître les limites fixées par les partenaires ;
  • De veiller à ce que les collections coloniales soient suffisamment et respectueusement contextualisées, tant dans leur placement que dans leur étiquetage ;
  • D'examiner d'un œil critique le vocabulaire utilisé dans les différents supports d'exposition, y compris la présentation in-situ , les inventaires, les catalogues et les supports marketing ;
  • De sensibiliser les membres du personnel des musées au patrimoine sensible [problématique ? délicat? qui pourrait poser problème?] ;
  • De répondre avec ouverture aux demandes de retrait du patrimoine sensible de l'exposition publique.
B. Recommandations aux entités fédérées :

Il est urgent en Belgique de:

  • Transposer la Convention UNESCO de 1970 dans la législation
  • Ratifier la Convention UNIDROIT de 1995
  • Conclure des accords de coopération entre l'État fédéral et les entités fédérées compétentes ;
  • Adopter les mesures préconisées dans le rapport du Sénat de juin 2018, dont la notion de diligence raisonnable et donc le renversement de la charge de la preuve ;
  • Élaborer un cadre juridique pour la restitution du patrimoine colonial sur la base des documents existants et de l'étude entreprise par les experts juridiques Marie-Sophie de Clippele et Bert Demarsin, qui tienne compte de l'organisation des diverses communautés et fournisse une voie plus claire pour le règlement des différends ;
  • Trouver le financement approprié pour une recherche en provenance approfondie et l'analyse des demandes de restitution en créant une commission consultative indépendante pour les demandes de restitution et de provenance et en soutenant un institut central d'inventaire et de provenance.

Notes

  1. Cette directive remplace la directive 93/7/CEE du Conseil du 15/03/1993 relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un État membre, entrée en vigueur le 01/01/1993.
  2. Ce règlement remplace le règlement (CEE) n° 3911/92 du Conseil du 09/12/1992 concernant l'exportation de biens culturels, qui est entré en vigueur le 01/01/1993.
  3. Voir note de bas de page 1
  4. Voir note de bas de page 2
  5. M.-S. de Clippele and B. Demarsin, « Retourner le patrimoine colonial – proposition d’une lex specialis culturae », Journal des tribunaux, 15 mai 2021, pp. 345-353 ; B. Demarsin et M.-S. de Clippele, « Wetgeving voor de georganiseerde terugkeer van koloniaal erfgoed uit publieke collecties: een historische kans om geschiedenis te schrijven”, Nieuw juridisch Weekblad, 2021, à paraître.

Colophon

Cette version du texte a été préparée conjointement par les auteurs suivants :

Vincent Boele, Conservateur des Départements Amérique et Océanie, musée MAS d'Anvers

Lies Busselen, chercheuse au MRAC sur les restes humains dans les collections coloniales dans le cadre du projet HOME

Marie-Sophie de Clippele, Docteure en Droit, chercheuse post-doctorale F.R.S.-FNRS, Université Saint- Louis - Bruxelles

Els De Palmenaer, Conservatrice du Département Afrique, musée MAS d'Anvers

Roselyne Francken, Conservatrice du Département Asie, musée MAS d'Anvers

Sarah Van Beurden, Professeure en Histoire et Etudes Africaines, The Ohio State University

Annelies Van de Ven, Docteurs en Archéologie, chercheuse post-doctorale, F.R.S.-FNRS, Université catholique de Louvain

Yasmina Zian, Docteure en Histoire, chercheuse post-doctorale, Université de Neuchâtel, Université Libre de Bruxelles

en collaboration avec :

Leen Beyers, Conservatrice et Directrice de la Recherche, musée MAS d'Anvers

Tara Chapman, chercheuse pour le projet HOME, Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique

Hugo DeBlock, Professeur invité d'anthropologie, Départment des Langes et Cultures, Ecole des Etudes Africaines, Univesité de Gand

Katrijn D’hamers (FARO, Institut flamand pour le patrimoine culturel)

Nicole Gesché-Koning, historienne de l'art et anthropologue, professeurs honoraire à l'Académie Royale des Arts de Bruxelles et ex-assistante à l'Université libre de Bruxelles

Billy Kalonji, President du COMRAF (Comité de concertation entre le Musée de Tervuren et les Diasporas africaines), expert en diversité culturelle et inclusion

Anne Wetsi Mpoma (historienne de l'art, fondatrice de la Wetsi Art Gallery, ngo Nouveau Système Artistique)

Jos van Beurden, Doctor ès Lettres, chercheur senior collections coloniales et restitution, Free University Amsterdam

Pauline van der Zee, historienne d’art, Gand

Hein Vanhee, conservateur et chercheur au Musée Royal de l'Afrique Centrale, Tervuren

En collaboration et avec l'appui financier de l'ICOM Belgique. ICOM Belgique n'est pas responsable du contenu, mais encourage le débat actuel sur le patrimoine colonial en Belgique.

Brian Jones, producteur web

Coordination

Katrijn D’hamers (FARO, Institut flamand pour le patrimoine culturel)

Sarah Van Beurden, Professeure en Histoire et Etudes Africaines, The Ohio State University

Glossaire

  • Les collections coloniales comprennent tout le patrimoine culturel acquis dans un contexte colonial (voir ci-dessous). Ces collections, compte tenu de leur provenance et de leur contenu, entrent dans les catégories du patrimoine historiquement et culturellement sensible. À de nombreux endroits dans le texte, les pièces individuelles qui font partie de ces collections sont désignées comme des objets, mais les collections doivent être considérées de manière plus large, comme indiqué dans la section 1.1 des lignes directrices pour inclure les matériaux naturels et archivistiques obtenus dans les mêmes contextes.
  • Les contextes coloniaux, également connus sous le nom de cadres coloniaux (voir F. Sarr et B. Savoy dans les lectures recommandées), dans le cadre de la collecte, désignent toutes les situations dans lesquelles le transfert de matériel a été caractérisé par une profonde inégalité structurelle et, dans de nombreux cas, par des actions explicites d'oppression et/ou de violence. Ils incarnent des idéologies discriminatoires, où ceux qui sont au pouvoir cultivent une image de supériorité, ainsi que des dépendances forcées dans lesquelles des biens précieux sont répartis de manière inégale entre les parties concernées. Les contextes coloniaux vont au-delà des relations de colonisation formelle, tant sur le plan géographique que chronologique.
  • Les communautés d'origine désignent une communauté de personnes et leurs descendants dont proviennent les objets des collections de musées, qui vivent à l'intérieur ou à l'extérieur de leur pays d'origine ou d'ascendance commune mais qui maintiennent des liens actifs avec celui-ci. Sous cette appellation, nous pouvons également comprendre les groupes définis ailleurs comme les pays d'origine, les communautés d'origine et la diaspora. Le terme "communautés" a également fait l'objet de critiques en raison de son lien avec les conceptions évolutionnistes de l'organisation sociale dans les zones anciennement colonisées, une idéation dans laquelle les gens sont considérés comme vivant en petites communautés et les États ne bénéficient pas d'une reconnaissance égale (voir Opoku dans les lectures recommandées). Ce terme constitue nécessairement une simplification d'une série de réseaux sociaux à différentes échelles, de l'État souverain aux familles individuelles, et constitués d'un ensemble hétérogène de parties prenantes, composées d'individus ayant par exemple des origines socio-économiques ou religieuses différentes, qui ne catégorisent pas tous de la même manière leur relation aux collections.
  • La décolonisation peut être définie comme le processus de lutte contre les idéologies et les pratiques qui ont constitué le fondement des structures coloniales inégales et qui, aujourd'hui encore, entraînent une représentation et un traitement inégaux des communautés anciennement colonisées.
  • L'extractivisme est une idéologie qui justifie et perpétue l'appropriation et l'exploitation des ressources d'une communauté par une autre. Il implique un processus de marchandisation qui peut englober les ressources naturelles et culturelles. Cette pratique de distribution inégale de la valeur renforce les structures de pouvoir hiérarchisées.
  • Le Nord est une construction géopolitique qui comprend les pays qui sont perçus comme ayant un avantage économique, technologique et politique, dont beaucoup sont situés dans l'hémisphère nord. Ce terme est complexe et contesté car il est lié à la fois à des différences statistiquement documentées, comme le classement d'un pays dans l'indice de développement humain des Nations unies, mais aussi à des stéréotypes culturels et à des histoires de domination et d'oppression.
  • Une communauté patrimoniale est constituée de personnes qui valorisent des aspects spécifiques du patrimoine culturel qu'elles souhaitent, dans le cadre de l'action publique, soutenir et transmettre aux générations futures.
  • Par institutions patrimoniales, on entend ici les musées, tant publics que privés, mais aussi d'autres institutions détentrices de collections telles que les universités, les archives, les fondations, etc.
  • Restitution, retour, récupération et rapatriement sont quatre mots souvent utilisés de manière interchangeable, mais ils ont des connotations particulières (voir Pro dans les lectures recommandées). La restitution est utilisée pour désigner une demande et un processus juridiques (bien que les termes exacts de ce processus diffèrent selon le droit local). Le retour et la récupération sont plus généraux, l'accent étant mis sur la "partie qui retourne" dans le premier cas et sur la "partie qui récupère" dans le second. Le rapatriement est plus couramment utilisé pour les objets culturels autochtones, en particulier les objets sacrés et les restes humains. Ce terme implique une ré- humanisation (voir Rassool dans les lectures recommandées).

Bibliographie + lectures recommandées

Il existe une littérature étendue et interdisciplinaire sur l'éthique et la pratique d'une muséologie plus inclusive. Les lectures recommandées ici sont directement liées aux objectifs et à l'impact souhaité de ce rapport, ainsi que certaines des publications relatives à la culture matérielle congolaise.

Bibliographie

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